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Humanités, littérature et philosophie

Documents pour une introduction

 

 

 

1/ « On peut uniformiser le langage d’une grande nation… Cette entreprise qui ne fut pleinement exécutée chez aucun peuple, est digne du peuple français, qui centralise toutes les branches de l’organisation sociale et qui doit être jaloux de consacrer au plus tôt, dans une République une et indivisible, l’usage unique et invariable de la langue de la liberté. »

« Rapport Grégoire », 1794.

 

 

 

2/ Document : article : « Les humanités font notre humanité », de Frédéric Worms, philosophe, 2018.

 

   « Pourquoi parler des «humanités» aujourd’hui, au moment où l’humanité, dans tous les sens de ce beau mot, semble perdue de vue, et jusqu’à l’humanitaire pourtant minimal («sauver les corps»), qui est désormais pris à partie en Méditerranée et qui erre de port en port sur les rives de l’Europe elle-même ? Quel lien peut-il y avoir souterrainement entre cette crise de l’idée d’humanité et ce retour fragile des humanités, dans notre paysage intellectuel, scolaire et universitaire ?

C’est ce pluriel, les humanités, qui est le plus significatif à nos yeux. C’est que «les humanités» désignent la diversité irréductible et vitale des manières que l’humanité a de se comprendre elle-même, à travers le langage et la culture. Ce sont toutes les disciplines humaines que désigne ce pluriel, dans leur lien le plus profond. Les humanités, ce sont d’abord les savoirs humains opposés à la Renaissance au savoir des choses «divines» et avec une référence cruciale à l’Antiquité, comme au moment où les hommes ont tenté et ont réussi une première fois ce défi. L’humanisme donc.

Mais ce qui est crucial, en effet, c’est que les hommes se comprennent toujours de plusieurs façons. C’est de cela que nous retrouvons le besoin vital aujourd’hui, c’est ce qu’on veut nous arracher. On parle de «fake news» (N.B. : ajouté par moi : les fausses informations, notamment sur les réseaux sociaux : ex. : le Nutella contribue massivement à la déforestation en Indonésie, un porte-conteneur pollue autant que 50 millions de voitures …) et c’est au cœur de notre actualité critique. Les hommes ont d’abord besoin, en effet, des faits. De la vérité. Et ils en sont capables. Les politologues et les idéologues qui produisent à tour de bras des fake news, eux-mêmes les dénoncent chez les autres. Ils font appel à notre besoin de vérité dont Pascal disait dans les Pensées qu’il est irréductible à tout le scepticisme (le scepticisme est convaincu que la vérité n’existe pas, qu’il n’existe aucune espèce de certitude en quelque domaine que ce soit), même si celui-ci est son épreuve du feu. Les hommes recherchent donc la vérité. Mais cela ne leur suffit pas et ils ne le font jamais seulement pour le savoir des faits.

Car on a besoin non seulement des faits, mais de la formulation des problèmes et de l’expression des émotions, en lien avec les faits et les savoirs. C’est l’unité même, nécessaire, de chaque moment historique et de la culture. Les faits, aujourd’hui, ce sont à nouveau des bouleversements humains, on peut même dire anthropologiques. Il y a donc les savants, qu’il faut remettre au centre du jeu. Mais il y a aussi les questionnements, la philosophie si l’on veut, mais aussi dans chaque discipline lorsqu’elle y rencontre (de manière critique) des problèmes sur les principes, les sciences humaines et sociales, et les œuvres de l’art qui expriment nos sentiments et nos passions. Tout se passe aujourd’hui comme si ces aspects des humanités, donc de l’humanité, ne communiquaient plus, comme si tout travaillait à leur isolement. Retrouvons leur lien. Relions les faits, les problèmes et les récits, car sinon on nous imposera des mensonges, des guerres et des fascinations. Perdre la diversité des humanités, c’est perdre la réalité de l’humanité.

C’est un combat qui passe aussi dans nos classes et dans notre enseignement. Ici et maintenant. Ou bien on laisse à ce mot un sens vague qui servira de repoussoir et chacun reviendra à un savoir ou à un non-savoir fermé qui arrangera bien le pouvoir manipulant les images et les émotions. Ou bien on reconnectera réellement la science, la réflexion et les œuvres autour des problèmes réels du présent, par exemple, et de manière cruciale l’environnement, la santé et le numérique. Dans l’enseignement comme dans la culture, il faut retrouver ce lien, sans avoir à l’inventer de toutes pièces, mais en partant de ce qui se fait et se dit dans chaque domaine, mais qui ne se connecte plus.

C’est notre responsabilité face aux problèmes d’aujourd’hui. Par exemple les faits, mais aussi les problèmes et les vies exprimées et passionnées des «migrants» qui sont aussi les nôtres dans un même monde. Ces différentes dimensions, sans lesquelles l’humanité se réduira à l’humanitaire ou à moins encore, face à l’inhumanité revenue et triomphante. Pour cela, il faut aussi revenir aux différents moments des humanités, où les révolutions dans le savoir sont passées par les réflexions critiques, les œuvres et le style. Reconnectons les humanités dans tous les sens, à travers des disciplines qui ne sont pas des territoires fermés, mais des angles différents et complémentaires sur une expérience humaine qui n’est plus alors un chaos ou un désert, mais un dialogue et une histoire. »

 

3/ « Qu’est-ce que la philosophie ? se demandait Jules Lachelier, important philosophe français qui a marqué la fin du XIX° siècle, ceci lors de sa toute première année d’enseignement à Toulouse. Il répondit à ses élèves : « Je ne sais pas ! » Et toute la bonne ville de Toulouse d’ironiser à propos de ce prétendu jeune et brillant philosophe qu’on lui avait envoyé de Paris et qui ne savait même pas ce qu’était la discipline qu’il était chargé d’enseigner à ses élèves ! »

 

4/ « Faisons un rêve : imaginons que nous disposons d’une baguette magique qui nous permettrait de faire en sorte que les humains, sans exception, se conduisent désormais les uns vis-à-vis des autres de manière parfaitement morale, que chacun soit respectueux d’autrui, bon et gentil non seulement avec ses proches, mais avec le prochain, c’est-à-dire potentiellement avec tous les autres. Vous imaginez bien que le destin de l’humanité en serait radicalement changé : il n’y aurait plus de guerres, de massacres, de génocides ; on ne craindrait plus les viols ni les vols ; on se passerait d’armées, de polices, de prisons ; on mettrait probablement un terme aux inégalités sociales … Mais en admettant que cette fable se réalise, cela résoudrait-il l’épreuve du deuil, la douleur de la séparation d’avec un être aimé. On peut être quelqu’un de formidable sur le plan moral et entendre un soir un gendarme vous annoncer l’accident de votre fils, de votre fille … Cette épreuve du deuil est chargée de valeurs essentielles, d’affects puissants, d’interrogations d’une terrible profondeur … mais tout cela n’a rien à voir avec la morale ; il en va de même de l’amour, porteur de valeurs, de la conscience du temps, du sens … On peut être formidablement aimable avec autrui et éprouver un profond sentiment d’ennui dans son existence . En bref, la morale fournit les règles qui rendent possibles des relations humaines, civiles et pacifiées, mais ce cadre, si nécessaire soit-il, ne nous dit rien sur ce qui est vraiment au cœur du sens que nous donnons à notre vie : l’amour, l’intensité et l’élargissement de notre existence, face à la tragédie de la mort »

 

 

5/  Quelques images : 

 

 2. Orth.jpg  3. Ecole normative.jpg

 3. Orth.jpg

 

 5. La Liseuse de Fragonard.jpg  HLP 7.jpg



13/09/2023
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