Autour du mythe de Narcisse. Quelques orientations
Autour de Narcisse
Une plante herbacée, vivace … précoce… qui sort de l’hiver.
Liriopé et Tirésias : Giulio Carpioni, peintre vénitien du XVII° siècle qui choisit de traiter le thème de Narcisse sous un angle inédit :
- le moment où sa mère Liriopé présente son fils au vieil aveugle Tirésias, qui a le don de prédire l’avenir, en compensation de son infirmité.
Liriopé, nymphe d'une grande beauté, conçut, de son union (un viol … qui annonce la tragédie) avec le dieu-fleuve Céphise, un enfant qu'elle prénomma Narcisse (« Narkè » : sommeil). Dès son plus jeune âge, celui-ci charmait les nymphes par la perfection de ses traits. Souhaitant découvrir l'avenir de son fils, Liriopé alla consulter Tirésias, célèbre devin de Thèbes. Devenu aveugle à la suite d'un différend avec Athéna, Tirésias (devin célèbre dans la mythologie grecque. On le retrouve dans l’Odyssée d’Homère, par ex. Tirésias, adolescent, était en train de danser et de chanter quand il surprit Athéna se baignant nue dans une source du mont Hélicon (près de Thèbes… C’était le mont où venaient se reposer les Muses). Aucun mortel ne pouvait voir un Dieu nu et encore moins une déesse ... « Athéna lui mit alors les mains sur les yeux et le rendit aveugle » (Apollodore III, 6, 7).) avait reçu en compensation le don de prédire l'avenir. Alors que Liriopé questionnait Tirésias, désireuse de savoir si son fils connaîtrait bonheur et longévité, ce dernier lui répondit de manière prophétique: « Oui, s'il ne se connaît pas ». La suite du mythe devait hélas donner raison à Tirésias puisque Narcisse, étanchant sa soif dans un cours d'eau lors d'une chasse, allait tomber amoureux de son propre reflet jusqu'à s'en laisser mourir. Son corps disparut et à la place naquit une fleur nouvelle, blanche au cœur jaune: le narcisse.
Culte de Narcisse ou culte d’Œdipe ?
Il s’agit de la tradition thébaine (de la Cité de Thèbes en Grèce) : les deux héros mythologiques y sont : Œdipe puis Narcisse. On voue un léger culte à Narcisse, dans le sillage d’Artémis (déesse de la chasse, de la Nature sauvage et des accouchements… plusieurs cordes à son arc), en tant que chasseur … mais sans rapport avec ce qu’il représente pour nous.
Œdipe (Avant sa naissance, ses parents Laïos et Jocaste consultent l'oracle de Delphes qui leur prédit que s'ils avaient un fils celui-ci tuerait son père et épouserait sa mère.) brave les éléments. Il résout l’énigme du Sphinx, de la Sphinx : « quel être, pourvu d'une seule voix, a d'abord quatre jambes le matin, puis deux jambes le midi, et trois jambes le soir ? » Il sera un bon Roi. Il est victime du Destin … Bien qu’ayant tué son père et épousé sa mère, il fascine quand même. Deux tragédiens sur trois, Eschyle, (Euripide) et Sophocle vont s’intéresser à lui. On voue un culte sur sa tombe à Colonne.
Bref, si Œdipe a un succès fou, c’est moins vrai de Narcisse dont le thème n’intéresse guère les Grecs : l’intérêt pour son Ego, son image était jugé un peu ridicule. Les Grecs s’intéressent à la Cité, à la Polis, mais peu à l’individu. La psychologie n’existe pas.
Il faudra attendre un latin, Ovide (-43 - 18), las du thème d’Œdipe pour reprendre celui de Narcisse sous l’Empire romain. Il est un peu le « Homère » latin et consigne de nombreux mythes appartenant à la Tradition orale ou aux mythographes grecs.
Tout commence le jour de la naissance de Narcisse, devant Tirésias : « Il atteindra la vieillesse s’il ne se connaît pas ». Attention au verbe « connaître » qui se traduit aussi par « voir ». « Oiden », Oida (En oida, « je sais ») … Eidos, idoles … On y reviendra, mais la « vérité » chez les Grecs ne se construit pas, elle est déjà là , mais elle est cachée, voilée (« a-letheia(Lethée) ») Il s’agit de la voir … ce qui sera une mission de la philosophie.
Mais ce qui est paradoxal dans le mythe de Narcisse, c’est que voir la vérité, ce qu’il est, le conduira à la mort, à l’évanouissement. On comprend que les philosophes grecs : Platon, Aristote … ne s’intéressent guère à Narcisse. Un « Connais-toi, toi-même ! », la devise de Socrate, qui devient ici punissable de mort.
Grand écart, donc, de la Grèce archaïque (-VI°s) jusqu’à Ovide (I°s), puis grand écart encore d’Ovide au Caravage (XVIII°s), puisque au Moyen-Age, il s’agit moins de se regarder soi-même, que de regarder vers Dieu.
Caravage (1571-1610) : Le fond sombre et l'absence d'arrière-plan rend la scène particulièrement intimiste tout en produisant une ambiance dans laquelle l'être humain est porteur d'une destinée ombrageuse aux accents souvent pessimistes. Son usage très novateur est alors appelé clair-obscur ou chiaroscuro. Une notion qui s'applique parfaitement à la vie décousue du peintre, entre ombres et lumière. Humanisation des motifs qui commencent à avoir une certaine psychologie, au contraire des motifs religieux.
Préraphaélisme : (né au Royaume-Uni au milieu du XIX° siècle) Les préraphaélites avaient, entre autres, pour dessein de rendre à l’art un but fonctionnel et édifiant : leurs œuvres avaient pour fonction d’être morales. Mais cela n’excluait pas leur désir d’esthétisme. Le but de ces artistes était de s’adresser à toutes les facultés de l’Homme : son esprit, son intelligence, sa mémoire, sa conscience, son cœur… et non pas seulement à ce que l’œil voit.
Les préraphaélites aspiraient à agir sur les mœurs d’une société qui, à leurs yeux, avait perdu tout sens moral depuis la révolution industrielle.
Il existe plusieurs versions concernant l’histoire de Narcisse, mais la plus répandue est celle d’Ovide dans Métamorphoses.
Narcisse, fils de la nymphe Liriope et du Dieu fleuve Céphise, est un très beau chasseur originaire de Thespiès, cité grecque située entre Thèbes et le mont Hélicon.
À sa naissance, le devin Tirésias déclare qu’il atteindra un âge avancé seulement s’il ne se connaît pas. En grandissant, Narcisse devient un très beau garçon, mais si fier qu’il repousse tous les prétendants et toutes les prétendantes faisant un pas vers lui. Une de ces âmes éconduites décide de se venger en faisant appel à la déesse Némésis (Némésis (en grec ancien Νέμεσις / Némesis) est une déesse de la mythologie grecque mais aussi un concept : celle de la juste colère (des dieux) et du châtiment céleste. Son courroux s'abat en particulier sur les humains coupables d'hybris : démesure, mégalomanie.). Celle-ci exauce sa requête.
C’est ainsi qu’un jour, en se promenant au bord d’une source d’eau, Narcisse voit son reflet dans l’eau. Il tombe instantanément amoureux de son image. À partir de ce moment-là, il ne bouge plus et ne fait que se contempler jour après jour. Il souffre de ne pas pouvoir rattraper sa propre image et finit par en mourir. Des fleurs blanches ont alors commencé à pousser à l'endroit même où il se trouvait. Ce sont des narcisses.
De Narcisse au narcissisme
La psychanalyse s’est intéressée de près au cas de Narcisse et cela a entraîné la formation du mot narcissisme.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le narcissisme n’est pas un amour de soi. C’est un amour de l’image que l’on renvoie. Si Narcisse devait choisir entre sa propre personne et son image, il choisirait son image. C’est considéré comme une pathologie car au final Narcisse ne s’aime pas et cherche l’acceptation, l’amour dans le regard des autres. Le narcissisme cache un profond mal-être.
Dans l’histoire, on le voit bien : Narcisse est si obnubilé par son image qu’il en oublie de vivre. Complètement déconnecté de la réalité, il ne s'aime pas et préfère vivre à travers son image, dans le virtuel…
« Être narcissique » dans le monde d’aujourd’hui
Le Narcisse moderne utilise les nouvelles technologies pour assouvir cet amour virtuel. Le reflet dans l’eau devient un selfie posté sur Facebook, Instagram ou Twitter. Ces réseaux sociaux deviennent son arène préférée pour se mettre en scène.
L’image de soi est devenue complètement centrale dans la société actuelle. L’acceptation de soi et des autres se fait par un processus de visibilité. Il faut être vu par le plus grand nombre pour avoir le sentiment d’exister. C’est un besoin de se raconter, de mettre des photos de soi ou de donner son opinion alors que personne ne nous l’a demandé. L’idée de se mettre en avant en espérant que l’on va être suivi et aimé. Notre image suffit et devient la réalité.
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