Philoforever

"Candide" de Voltaire (1694-1778)

Candide ou l'Optimisme

Voltaire (1694-1778)

Conte philosophique, France, 1759

 

 

Résumé :

 

   En Westphalie, dans le plus agréable des châteaux, celui du baron Thunder-ten-tronckh, vit un garçon simple et doux de caractère appelé Candide. Il y reçoit le non moins doux enseignement du savant Pangloss, féru de métaphysicothéologo-cosmolo-nigologie, qui prône l'illustre théorie suivant laquelle : «Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». Jusqu'au jour où, surpris en très charmante compagnie - celle de Cunégonde, la fille du châtelain -, il est chassé à coups de pieds de ce monde idyllique et s'apprête à faire les frais, bien malgré lui, d'un univers inconnu et hostile.

   Son long périple commence après une nuit d'errance, de froid et de désespoir, lorsqu'il se trouve enrôlé à son insu dans l'armée bulgare. Après avoir vu toutes les horreurs d'une guerre à laquelle ses tendres yeux n'étaient pas préparés, il réussit à fuir et passe en Hollande. Recueilli par Jacques l'anabaptiste, il retrouve par un heureux hasard son précepteur Pangloss défiguré par la vérole. Celui-ci lui fait le récit apocalyptique de la destruction du château et de l'assassinat de la baronne. Selon lui, Cunégonde n'a pas échappé au massacre. A ces mots, Candide s'évanouit de chagrin.

   Sitôt remis de ses émotions, Candide part pour Lisbonne avec Pangloss. Là, les deux compagnons sont témoins de la cruelle injustice avec laquelle dame nature détruit les hommes : une tempête en mer noye le bon anabaptiste et un terrible tremblement de terre massacre trente mille habitants.

   Cependant, le naïf Candide n'est pas au bout de ses étonnements : ayant fait les frais des traitements injustes de l'Inquisition, il retrouve sa chère Cunégonde qui a survécu miraculeusement, et est la maîtresse du grand Inquisiteur et du banquier juif de la Cour. Après un détour par Buenos Aires où il est contraint d'abandonner sa dulcinée aux mains du gouverneur, il pénètre, guidé par le débrouillard Cacambo, dans le territoire, merveilleusement organisé, des Jésuites : ils possèdent tout, et le peuple, rien... Cependant, une méprise des deux compères risque de leur coûter la vie. Ils se retrouvent ligotés par les Oreillons - peuplade ennemie des Jésuites qui l'ont spoliée de ses terres - et se résignent à être bel et bien dévorés. Le beau discours de Cacambo sur la nature de l'homme les sauve de justesse.

   Seul havre de paix dans ce voyage mouvementé : le séjour à Eldorado, pays de rêve, société idéale où les hommes, sages, placent le bonheur au-dessus des richesses matérielles. N'ayant pas compris la leçon, Candide remplit ses poches de pierres précieuses ramassées sur les chemins et nos héros reprennent la route, à nouveau jalonnée des misères de ce monde.

   En Guyane, ils croisent un nègre horriblement mutilé par l'exploitation de son maître blanc. «C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. »

   Lorsqu'un patron hollandais vole à Candide la majeure partie de sa fortune, celui-ci, dégoûté de la méchanceté humaine, décide d'emmener avec lui l'homme le plus malheureux de la province. Parmi de nombreux prétendants, il choisit le philosophe Martin, dont le discours est aux antipodes des dires de Pangloss. Ils continuent le voyage qui les mène de France en Angleterre, d'Angleterre en Italie et d'Italie à Constantinople où Cunégonde est prisonnière. Ils soupent même à la table de six monarques détrônés. C'est en vain que Candide recherche sur ses pas l'image d'un monde viable et heureux.

   A l'issue de cette odyssée, Candide se fixe dans une métairie sur la Propontide. Mais l'ambiance n'est guère réjouissante: la douce Cunégonde est devenue laide et insupportable, Cacambo, seul à travailler, est épuisé et Pangloss est désespéré de ne pas être célèbre. Même son élève renie sa théorie. Bientôt, chacun est atteint d'un mal grave entre tous : l'ennui.

   Ayant consulté un derviche et un vieillard, Candide se met à méditer sur la condition de l'homme. Chacun se rallie à sa conclusion : « Il faut cultiver notre jardin. » En effet, les travaux simples, en communion avec la nature, valent mieux que les plus beaux discours.

 

 

Pistes de lecture :

 

Dramaturge, poète et satiriste.

 

   François Marie Arouet est né en 1694 à Paris. Il reçoit une excellente instruction latine au collège Louis-le-Grand. Brillant élève, il se destine, au détriment d'études de droit, à une ambitieuse carrière littéraire.

   Dès 1718, il se fait remarquer avec Œdipe, tragédie philosophique et satirique, et adopte le pseudonyme de Voltaire. Son épopée polémique, La Henriade, est accueillie chaleureusement. On le compare rapidement à Corneille et à Racine.

   Dramaturge et poète, il est introduit à la Cour. Il allie aux lettres les qualités de philosophe et ses satires acquièrent un caractère percutant.

   Penseur audacieux, il est emprisonné puis exilé en Angleterre à la suite d'une querelle (1722); il découvre la nation de Shakespeare et en admire le progrès intellectuel et économique. De ses méditations naîtront Les Lettres philosophiques (1734) qui le classent d'emblée parmi les auteurs subversifs.

   En 1731, il s'attaque à L'Histoire de Charles XII. Plus tard, il commence Le Siècle de Louis XIV (1739-68), somme s'étendant à tous les faits de civilisation. A Versailles, il est nommé historiographe et gentilhomme ordinaire de la chambre du roi.

   Il écrit également des contes (Zadig, 1748), satires, épîtres et discours. Après un long séjour à Berlin, il s'installe à Lausanne et collabore un temps à L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, dans sa propriété des Délices. Tandis que la guerre de Sept Ans fait rage, il «cultive son jardin» et rédige Candide (1759). Toujours querelleur, il ne se lance pas moins dans des entreprises humanitaires, œuvrant à sortir tout un village de la misère par son travail et son organisation.

   Jouissant d'une immense popularité, il collectionne correspondants et admirateurs de tous pays. Lorsque, en 1778, il décide de revoir Paris, il est accueilli triomphalement avant de mourir, au comble du succès, le 30 mai.

 

L'Optimisme : un sous-titre satirique.

 

   Voltaire construit, avec Candide, tout un conte philosophique sur la satire des optimistes impénitents, attaquant de manière virulente la thèse du meilleur des mondes énoncée par Leibniz dans sa Théodicée (1710).

   Partant du postulat qu'à un Dieu parfait s'opposent des créatures nécessairement imparfaites, Leibniz démontre que Dieu, dans sa perfection, a créé le moins imparfait des mondes, soit le meilleur des mondes possibles. Il ne nie pas pour autant l'existence du mal mais l'insère dans un contexte vaste, invitant l'homme à se considérer comme un élément inhérent à l'harmonie du monde, à l'image d'un tableau dont « les ombres rehaussent les couleurs».

   Voltaire oppose à cette théorie une splendide démonstration par l'absurde, plongeant avec une apparente désinvolture son héros endoctriné dans toutes les misères du monde. Rien n'échappe au crible satirique de l'auteur. S'il dresse le portrait d'un dieu cruel ayant abandonné les hommes à leur triste sort, il développe surtout les conséquences terribles de la bêtise humaine : guerres atroces, fanatisme, imposture religieuse et monarchique, esclavagisme, vanité, ambition et même ennui sont autant de thèmes fondamentaux qui tissent la trame de l'œuvre.

 

« Il faut cultiver notre jardin. »

 

   Candide trahit, par ses prises de positions, la facette humanitaire de son auteur ; Voltaire, ayant fait le tour des désordres humains, conclut son œuvre sur un tableau champêtre en apparence, mais hautement symbolique, qui reflète l'idée d'un bonheur tout terrestre conquis par la force de l'intelligence. Il prône l'action au détriment des palabres inutiles, attaquant directement les « discoureurs». Confiant dans le progrès, Voltaire considère que l'homme doit y contribuer par son travail, et que là réside son propre bonheur.

   La philosophie de Candide est celle d'un sage extrêmement marqué par son époque, le Siècle des Lumières. Elle enseigne à l'homme un art de vivre en s'accommodant de sa propre condition. En ce sens, Voltaire se révèle profondément moderne.

   Clarté et expressivité : la marque d'un grand style. Le style de Voltaire, considéré comme un modèle, conjugue nombre de qualités : il oppose à la clarté et à la sobriété un rythme trépidant, il joue avec la syntaxe et la grammaire en général afin d'engendrer la drôlerie, il multiplie les détails pour mieux servir tantôt l'absurde, tantôt le tragique, tantôt la joie, toujours présente derrière l'ironie.

 



24/09/2008
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