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"Cent ans de solitude" de Gabriel Garcia Marquez (1928-)

Cent Ans de solitude

Gabriel Garcia Marquez (1928- )

Roman. Colombie. 1967

 

 

Résumé :

 

   Harcelé par le fantôme de l'ami qu'il tua lors d'un duel d'honneur, José Arcadio Buendia quitta son village natal et s'enfonça dans les marécages à la recherche d'un passage vers la mer. Après des mois de marche harassante, le petit groupe de familles qui l'accompagnaient s'établit près d'une rivière et fonda le village de Macondo. Ursula, la femme de José Arcadio, poursuivie par la hantise de l'inceste qui entacha la famille de la naissance d'un enfant à queue de cochon, tâcha par tous les moyens d'éviter que les expériences alchimiques de son mari ne vinssent briser la belle ordonnance de sa maison. En effet, chaque année, lors de l'arrivée au village de Melquidades et de ses gitans, José Arcadio se prenait d'une passion subite pour les dernières nouveautés que ceux-ci présentaient, jusqu'au jour où, Melquidades lui ayant offert un laboratoire d'alchimie, il s'enferma dans une pièce à la recherche de l'or alchimique.

   De ses deux fils, seul le colonel Aureliano Buendia le suivit dans une certaine mesure dans ses recherches en fabriquant, au soir de sa vie, de petits poissons aux écailles d'or. Pour l'heure, il était amoureux de la fille du corrégidor Don Apolinar Moscote, Remedios. Malheureusement, à la naissance de leur fils, celle-ci décéda et le colonel se lança à la tête des libéraux dans une guerre civile qui enflamma tout le pays. Dix-sept fils naquirent des veillées de combat, tous marqués d'une croix au front et tous assassinés dans la fleur de l'âge et il ne resta au colonel qu'à se réfugier dans le laboratoire de son père où, jour après jour, il fabriqua des petits poissons aux écailles d'or.

   L'aîné des Buendia, José Arcadio, se maria avec sa demi-sœur Rebecca après avoir quitté le village pendant plusieurs années et eut un fils, José Arcadio le second, de Pilar Ternera, la prostituée du village. C'est vers cette époque que Melquidades décéda, non sans avoir rempli des pages et des pages d'une écriture serrée dont il affirma qu'elle ne serait déchiffrée que cent ans plus tard.

   Fusillé durant la révolution parce qu'il abusait, de son autorité, José Arcadio le second poursuivit la lignée par son fils Aureliano le second. De cette époque datait l'installation de la compagnie bananière au village qui coûta la vie au fiancé de Meme, la fille d'Aureliano le second, ainsi que le massacre de trois mille ouvriers en révolte contre la compagnie. Meme eut un fils, Aureliano, que sa grand-mère Fernanda del Carpio considéra toute sa vie comme le fruit d'un terrible péché qu'il fallait cacher. Aureliano passa donc tout son temps enfermé dans le laboratoire d'alchimie où, de temps à autre, le fantôme de Melquidades venait l'encourager à l'étude afin qu'un jour il puisse déchiffrer ses manuscrits. Le village qui avait connu tant de moments extraordinaires du temps de la révolution et de la compagnie bananière ensuite ne ressemblait plus à grand-chose, il mourait au rythme de la maison des Buendia. Lorsque Fernanda del Carpio décéda, personne ne suivit son cercueil car tous les enfants avaient quitté le village ou étaient morts; seul Aureliano, enfermé dans sa chambre, tentait de déchiffrer les manuscrits anciens.

   Lorsqu'Amaranta Ursula, sa demi-sœur, revint au village accompagnée de son mari Gaston, elle ne reconnut pas la cité bruyante qu'elle avait quittée bien des années, auparavant. Comme tous les Buendia, sa force de caractère était telle que le délabrement de ses souvenirs n'entama en rien sa bonne humeur. Son mari, trop occupé à mettre sur pied un courrier aérien entre Macondo et l'Europe, ne s'aperçut que trop tard de la liaison qu'elle entretenait avec son frère. Il rentra en Europe et laissa le nouveau couple à son bonheur incestueux. Un fils naquit, il avait une queue de cochon. Mais personne n'était plus là pour attirer l'attention sur la malédiction d'une telle naissance.

   Amaranta Ursula mourut à la naissance de l'enfant et Aureliano, ayant oublié son fils dans la salle commune, retrouva son cadavre dévoré par les fourmis rouges. Il se remit à l'étude des manuscrits de Melquidades, parvint à les déchiffrer et découvrit qu'ils contenaient le passé et l'avenir de la famille. Désireux de connaître son avenir, il sautait des pages entières pour en arriver au présent. Alors qu'il déchiffrait les dernières lignes, le village entier s'écroula et il mourut sous les décombres car « Il était dit que la cité des miroirs (ou des mirages) serait rasée par le vent et bannie de la mémoire des hommes à l'instant où Aureliano achèverait de déchiffrer les parchemins (...) car, aux lignées condamnées à cent ans de solitude, il n'était pas donné sur terre de seconde chance. »

 

Pistes de lecture :

 

Ecrivain professionnel :

 

   Gabriel Garcia Marquez est né en 1928 à Aracataca, village colombien. Il fait des études de droit à l'université de Bogota. Journaliste avant d'être ce qu'il appelle lui-même écrivain professionnel, il débute sa carrière, à la fin des années quarante, en collaborant à de nombreux journaux. Ces mêmes années voient la parution, dans le grand quotidien colombien El Espectador, d'une série de contes.

   En 1951, Garcia Marquez écrit La Hojarasca, son premier roman. En 1954, il devient grand-reporter à El Espectador et s'affirme rapidement comme l'un des plus grands journalistes latino-américains. Cette activité le mène en Europe et c'est à Paris qu'il travaille, en 1956, au manuscrit de La Mala Hora (1962).

   De retour en Colombie où il se marie en 1958, il devient correspondant de l'agence cubaine Prensa Latina pour laquelle il voyage notamment à La Havane et à New York.

   A Mexico dans les années suivantes, il renoue avec l'activité cinématographique (il tint, en 1954, la rubrique cinéma dans El Espectador) en rédigeant des scénarios de films.

   En 1967, il publie Cent Ans de solitude. La parution de la traduction française (1968) connaît un succès considérable. Il continue cependant le journalisme en publiant des articles sur le Chili, Cuba, l'Angola, le Nicaragua et le Viêt-Nam qui serviront de jalons à son ouvrage Cronicas y Reportajes (1975).

   L'Automne du Patriarche (1976) reçoit également un accueil enthousiaste. D'autres œuvres suivent, comme Les Funérailles de la Grande Mémé (1977), Récit d'un naufragé (1979), Pas de lettre pour le colonel (1980), Chronique d'une mort annoncée (1981), L'Amour au temps du choléra (1987). Ses ouvrages sont salués par de nombreux prix et Gabriel Garda Marquez reçoit, pour l'ensemble de son œuvre, le Prix Nobel en 1982.

 

Une épopée mythique :

 

   A la fois héritier de la tradition orale et des grands récits de fondation, Cent Ans de solitude est le roman par excellence où la, réalité et le rêve s'entrecroisent perpétuellement pour donner naissance au mythe. Car c'est bien d'une épopée mythique qu'il s'agit; celle d'un village et de la famille de ses fondateurs dont le destin est indissolublement lié. Implanté loin des axes de communication, coupé du monde, le village abrite des habitants heureux, sous la direction du fondateur José Arcadio Buendia jusqu'au jour où, obéissant aux ordres du destin, la belle autarcie primitive s'ouvrira au monde extérieur.

   Rapportée sous le mode de la chronique, l'histoire de Macondo est celle du paradis perdu et de la faute originelle (l'inceste et la naissance, qui s'ensuivit, d'un enfant à queue de cochon). Les hommes y vivent dans l'innocente candeur des premiers âges et les mariages consanguins y sont aussi fréquents que les apparitions de fantômes. Rien d'étonnant alors à ce que le temps y soit cyclique et qu'Ursula vive bien au-delà de son terme normal.

   Le temps du récit progresse sur le mode de la spirale : les descendants sont dotés des mêmes défauts et qualités que ceux de leurs ancêtres, les événements procèdent par répétition et l'auteur alterne les sauts en avant et les retours au passé en une subtile alchimie d'où émergera le destin inéluctable prédit par Melquidades.

 

L'Histoire et les histoires :

 

   Du point de vue du mythe, ce n'est pas tant la malédiction des Buendia qui précipite la chute mais bien l'ouverture de Macondo au temps historique. Melquidades et José Arcadio Buendia en sont les hommes de connaissance. Et lorsque viendra le temps des révolutions et du chemin de fer, leur enseignement sera délaissé. L'Histoire ne s'impose pas à Macondo, elle se teinte de couleur locale (les 3000 morts de la grève des bananeraies ne sont qu'une étape dans l'histoire des Buendia) même si elle est l'instrument du destin (l'assassinat des dix-sept fils de José Arcadio).

   Cent Ans de solitude, c'est aussi et surtout la chronique des histoires individuelles des membres de la famille Buendia qui tous participent, à leur manière, à l'aboutissement : la perte du paradis originel. Fidèle au mode de narration du récit mythique, Garcia Marquez boucle ainsi son roman par la répétition de l'inceste initial et l'accession à la connaissance (Aureliano déchiffre enfin le manuscrit de Melquidades)) tragique d'un destin où tout était écrit.

 

 

 



16/06/2008
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