De Gaulle (1890-1970)
Charles De Gaulle (1890-1970)
Homme d’État français, président de la République de 1958 à 1969
Né dans un milieu plutôt aisé où l’on révère les valeurs aristocratiques autant que celles de la bourgeoisie qui domine le monde industriel d’alors, Charles de Gaulle embrasse tout naturellement des opinions fort répandues à l’époque dans les classes dirigeantes de la nation : goût de l’ordre, du courage, de la discipline personnelle, foi et patriotisme ardents, refus des troubles sociaux, des revendications révolutionnaires, vision de l’Histoire rejetant catégoriquement la lutte des classes.
En ce sens, ce fils d’un aristocrate et d’une jeune héritière issue de la bourgeoisie du Nord présente le profil classique d’un conservateur modéré. Pourtant, à peine a-t-il terminé ses études à Saint-Cyr qu’il montre un tempérament non conformiste qui frise l’esprit de contradiction, et même la rébellion : il est passionné de stratégie et croit aux techniques modernes, plus particulièrement à une arme nouvelle, les chars.
Intimement persuadé que les options de l’état-major en vue d’une prochaine guerre contre l’Allemagne sont fausses, il ose publier une série d’ouvrages destinés à populariser sa vision du chef (Le fil de l’épée) et de la nouvelle et nécessaire stratégie de l’attaque blindée (Vers l’armée de métier).
Conservateur, De Gaulle l’est certainement, et le demeure ! Mais il y a assez de goût du débat théorique en lui pour chercher à définir une nouvelle manière de se battre … et de gouverner.
La Seconde Guerre mondiale, la Libération, la guerre d’Algérie et les évènements de Mai 1968 vont montrer les capacités extraordinaires d’adaptation de l’analyste politique De Gaulle, autant que de l’homme d’action.
Favorable à un leadership représentatif des aspirations du peuple, De Gaulle va en toutes occasions tenter de reproduire les grands rassemblements unitaires de l’histoire de France : croisades, guerre de Cent Ans, conquête de l’Alsace, de la Lorraine et des Flandres. Fils de Richelieu et de Louis XIV pour ce qui est de la théorie des frontières de la France, héritier de Napoléon pour ce qui est de la grandeur du pays, soucieux de retrouver l’unité patriotique de 1792, De Gaulle va faire de la théorie du rassemblement populaire, au-dessus des clivages politiques et sociaux, le cœur de ce populisme réactionnaire. Car De Gaulle est capable de mener aussi bien les batailles militaires que le combat politique et assez soucieux de consensus pour assumer, à des fins politiciennes, une vraie politique sociale.
Ce que De Gaulle veut restaurer, c’est la foi en la patrie et en la grandeur historique de la France. Pour cela, il lui faut repenser la relation entre le pays réel et ses dirigeants. En bon royaliste, il pense que le leader idéal, qui retissera un lien direct entre le peuple et l’État, ne peut être qu’un monarque.
L’histoire ayant fait basculer la plus grande partie des monarchistes dans la collaboration avec l’ennemi nazi ou pétainiste. De Gaulle en arrivera à l’idée que ce monarque nécessaire à la France, ce pourrait bien être lui.
Il applique alors sa théorie du chef : représentatif du sens de l’Histoire (ce qu’il appelle le « destin »), capable d’opportunisme politique et d’une grande malléabilité théorique, le leader, même isolé, peut agir à sa guise ; l’assentiment populaire qui suivra son coup d’éclat légitimera, a posteriori son action.
La définition gaulliste du leader, homme qui a raison avant les autres mais qui doit avoir raison avec les autres sous-tend tous les actes politiques du Général, même les plus hasardeux : l’appel du 18 juin 1940, son départ tonitruant du gouvernement en 1946, le coup d’Alger en 1958, l’affaire du référendum sur l’élection du président au suffrage universel, le discours sur la « chienlit » en juin 1968, et jusqu’à ses actions les plus contestées en matière de politique étrangère : l’abandon de l’Algérie, le discours très anti-américain de Phnom Penh, le « Vive le Québec libre ! » qui brouilla la France pendant dix ans avec le Canada, la sortie du commandement intégré de l’Otan, le démantèlement des bases américaines en France. Quant au rapprochement avec la République fédérale d’Allemagne d’Adenauer, à l’accélération de la politique de rapprochement avec Moscou, aux tractations avec la Chine de Mao, il s’agit toujours du même processus : le monarque républicain, fort d’un assentiment populaire direct, a les mains libres pour agir. Le peuple rassemblé acquiesce ensuite ou non. En cas de refus massif, le monarque se considère comme démenti et s’en va ; les trois « départs » de De Gaulle ne se comprennent que dans la théorie du chef exposée dans Le fil de l’épée, dès 1932. En 1946, les Français semblaient décidés, dans l’ébullition politique consécutive à la dictature nazie et vichyssoise, à se laisser aller au jeu des partis et de la lutte des classes. Ce n’est pas par haine de la gauche que De Gaulle s’en va à ce moment, mais parce que la division prévisible du pays ne peut ne lui ménager aucune place en tant que leader. Il part donc à la poursuite de cette unité perdue et fonde le Rassemblement du Peuple Français, dont le nom indique bien, au fond, quelle est l’obsession gaulliste : la formation d’un grand parti de toute la nation.
La fuite à Baden-Baden, en 1968, a lieu pour les mêmes raisons : démenti par la légitimité de la rue, le chef de l’État part avec toute sa famille à Baden-Baden, auprès du général Massu, qui témoigne du trouble du vieux leader : « Tout est foutu, Massu, les communistes tiennent tout ». Car De Gaulle, contrairement aux conservateurs ordinaire ne considère pas toute rébellion comme illégitime : n’a-t-il pas lui-même, en 1940, organisé la Résistance au mépris des ordres de Pétain ? Le Général pense que l’expression massive, même illégale, est une forme de représentation nationale. Cela explique sa crise de panique de juin 1968. Massu a-t-il réussi, comme il l’affirme, à convaincre De Gaulle que son leadership était intact ? On serait tenté de le croire, à la réaction du Général, dès son retour à Paris : l’organisation de la manifestation des Champs-Élysées, qui regroupa un million de ses partisans, témoigne de cette volonté de vérifier le leadership.
Son troisième départ fut définitif : le référendum sur la régionalisation ayant démenti son autorité réformatrice par un vote, il quitta la présidence au mépris du réalisme politicien et se retira, fidèle une dernière fois à sa conception du chef.
Quelques citations :
"La France ne peut être la France sans la grandeur".
"Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France".
"Le pouvoir n'était pas à prendre, il était à ramasser".
"Les traités, voyez-vous, sont comme les jeunes filles ; çà dure ce que çà dure !"
"Les hommes peuvent avoir des amis, pas les hommes d'Etat".
"Toujours le chef est seul en face du mauvais destin".
"Les grandes choses se font par la valeur des hommes, bien plus que par les textes".
"La parole est au peuple. La parole du peuple, c'est la parole du souverain".
"Il n'y a de réussite qu'à partir de la vérité".
"L'action, ce sont les hommes au milieu des circonstances".
"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche".
"Quant au pouvoir, en tout cas, je ne saurais quitter les choses avant qu'elles ne me quittent".
"Il est vrai que parfois les militaires, s'exagérant l'impuissance relative de l'intelligence, négligent de s'en servir".
"Je ne vais pas mal, mais rassurez-vous : un jour je ne manquerai pas de mourir !"
"Ecrire permet d'oublier la meute".
"Dans le conflit présent comme dans ceux qui l'ont précédé, être inerte, c'est être battu".
"La France a perdu une bataille, mais la France n'a pas perdu la guerre".
"L'ambition individuelle est une passion enfantine".
"La politique la plus ruineuse, la plus coûteuse, c'est d'être petit..."
"Le plus difficile, ce n'est pas de sortir de Polytechnique, c'est de sortir de l'ordinaire".
"Je vais répondre à une question qui, au fond de la salle, ne m'a pas été posée".
"Recevoir un grand nombre de journalistes est un plaisir, un petit nombre un ennui, un seul, un supplice".
Un ministre lui a dit un jour : "Maintenant, Monsieur le Président, il faudrait que l'on s'occupe des cons !" Et le Président de répondre : "Vaste programme !"
"Je n'ai d'estime que pour ceux qui me résistent, mais je ne peux pas les supporter !"
"La réforme, oui, la chienlit, non !"
"Au fond des victoires d'Alexandre, on retrouve toujours Aristote".
"Mon seul rival international, c'est Tintin".
"J'ai entendu vos points de vue, ils ne rencontrent pas les miens. La décision est prise à l'unanimité".
"Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage ?"
"Il est temps de siffler la fin de la récréation !"
"La guerre, voyez-vous, c'est horrible, mais la paix, la paix, c'est assommant !"
Discours du général de Gaulle sur le perron de l'Hôtel de ville, le 25 août 1944
« Pourquoi voulez-vous que nous dissimulions l'émotion qui nous étreint tous, hommes et femmes, qui sommes ici, chez nous, dans Paris debout pour se libérer et qui a su le faire de ses mains. Non ! Nous ne dissimulerons pas cette émotion profonde et sacrée. Il y a là des minutes qui dépassent chacune de nos pauvres vies. Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle. Eh bien ! Puisque l'ennemi qui tenait Paris a capitulé dans nos mains, la France rentre à Paris, chez elle. Elle y rentre sanglante, mais bien résolue. Elle y rentre, éclairée par l'immense leçon, mais plus certaine que jamais, de ses devoirs et de ses droits. Je dis d'abord de ses devoirs, et je les résumerai tous en disant que, pour le moment, il s'agit de devoirs de guerre. L'ennemi chancelle mais il n'est pas encore battu. Il reste sur notre sol. Il ne suffira même pas que nous l'ayons, avec le concours de nos chers et admirables alliés, chassé de chez nous pour que nous nous tenions pour satisfaits après ce qui s'est passé. Nous voulons entrer sur son territoire comme il se doit, en vainqueurs. C'est pour cela que l'avant-garde française est entrée à Paris à coups de canon. C'est pour cela que la grande armée française d'Italie a débarqué dans le Midi ! et remonte rapidement la vallée du Rhône. C'est pour cela que nos braves et chères forces de l'intérieur vont s'armer d'armes modernes. C'est pour cette revanche, cette vengeance et cette justice, que nous continuerons de nous battre jusqu'au dernier jour, jusqu'au jour de la victoire totale et complète. Ce devoir de guerre, tous les hommes qui sont ici et tous ceux qui nous entendent en France savent qu'il exige l'unité nationale. Nous autres, qui aurons vécu les plus grandes heures de notre Histoire, nous n'avons pas à vouloir autre chose que de nous montrer, jusqu'à la fin, dignes de la France. Vive la France ! »
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