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Dissertation : "Qu'est-ce qui nous autorise à supposer l'existence de l'inconscient?"

« Qu’est-ce qui nous autorise à supposer l’existence de l’inconscient ? »

Eléments de correction.

 

Remarque :

   La formulation de la question présente un danger pour les candidats : celui d’établir un catalogue des manifestations de l’inconscient. En réalité, le sujet appelle une réflexion plus approfondie sur son caractère spécifique, en particulier sur son mode d’existence supposé et les contradictions qu’il implique.

Introduction :

   [Introduction rapide pour les besoins du corrigé, mais qui mériterait d’être encore étoffée.]

   Historiquement, la théorie psychanalytique a bouleversé les conceptions de l’appareil psychique, en formulant l’hypothèse de l’existence de l’inconscient, comme instance autonome. Pendant plusieurs siècles, la conscience a paru le seul état possible de la pensée. La philosophie cartésienne (de Descartes), en particulier, a contribué à imposer l’idée que « rien ne peut être en moi (…) dont je n’aie conscience. » De même, la psychologie, à ses débuts, s’appuie sur l’observation intérieure par le sujet lui-même : connaissance directe par retour et réflexion sur soi. Quels sont alors les facteurs qui ont conduit à modifier ces théories et à supposer l’existence de l’inconscient ?

[Le plan ne sera pas dialectique, car le sujet ne suppose pas ici de débat contradictoire. Il sera plutôt progressif, procédant par approfondissement successif des motifs justifiant l’existence - supposée - de l’inconscient.]

1/ L’inconscient comme hypothèse nécessaire.

a/ Remarque sur le libellé du sujet :

   Le sujet, dans sa formulation même, invite à considérer l’inconscient comme une hypothèse et non comme un fait avéré. Il ne peut, en effet, être perçu directement, sa présence sera induite à partir d’un ensemble de données concrètes. L’hypothèse de l’inconscient présente donc un caractère paradoxal : elle nous invite à admettre qu’il existe une forme de pensée hors de la conscience, dans une zone interdite, mais qui s’évanouit à l’instant même où elle est reconnue, puisqu’elle devient consciente. En d’autres termes, l’inconscient n’a d’existence que latente, et donc invérifiable directement. Ceci peut expliquer les contestations et réticences qui l’entourent, et son émergence négative comme solution aux insuffisances de la conception traditionnelle de l’appareil psychique.

b/ Les insuffisances de la conscience :

   Leibniz remarquait déjà, contre les cartésiens, les partisans de la doctrine de Descartes, dans ce que l’on appelle la théorie des petites perceptions, qu’il existe des activités de perception (donc liées à la pensée) qui se font hors du contrôle de la conscience, et à son insu, et qui ne sont explicables que si l’on admet une forme inconsciente d’activité mentale. L’inconscient, dans ce cas, résulte, par conséquent de l’insuffisance que l’on observe en rapportant les faits psychiques à la seule conscience. Il se définit négativement comme le moyen de suppléer aux carences d’un autre principe d’explication.

   De plus, la théorie de Leibniz est fondée sur le postulat de la continuité des états de la pensée : entre conscience et inconscient, il n’existe ni discontinuité ni rupture ; le passage se fait graduellement par une série d’étapes intermédiaires.

2/ L’inconscient comme hypothèse thérapeutique.

   La genèse de la théorie freudienne montre clairement que l’hypothèse de l’inconscient trouve son origine dans l’incapacité pratique de la médecine à soigner certains troubles nerveux. Le traitement analytique conduit Freud - dans le prolongement des expériences hypnotiques mises en œuvre par Jean-Martin Charcot à Paris ou par Josef Breuer à Vienne - à mettre en évidence des processus inconscients : le patient est capable d’évoquer, lorsque la cure a contribué à affaiblir ses résistances, des faits dont il n’a pas de souvenir conscient, et cette réminiscence fait disparaître provisoirement les troubles constatés.

   La modification de la méthode freudienne, affranchie du recours à l’hypnose, procédant par production d’associations d’idées, ne change pas fondamentalement la démarche : elle a toujours pour but le retour à la conscience des éléments oubliés et la disparition corrélative des troubles qu’ils occasionnent. La raison de postuler l’existence d’un inconscient est donc  pratique : elle résulte d’une expérience thérapeutique. Elle seul peut rendre compte des faits observés et les expliquer. L’inconscient est un postulat qui a pour fonction de rendre intelligibles des comportements qui ne le seraient pas sans cela. Il est une exigence théorique qui apparaît dans le champ de la réflexion de la psychologie, pour coordonner des phénomènes observables et leur fournir un principe explicatif.

3/ L’inconscient comme hypothèse explicative.

 a/ Le refoulement : 

   La conception de Freud apporte une innovation d’importance : l’inconscient n’est pas dans un rapport de continuité avec les autres états de la pensée. La théorie distingue soigneusement ce qui est préconscient et peut être rappelé à la mémoire sans difficulté, et l’inconscient sur lequel l’activité mémorisante acquise- la tendance hypermnésique de l’inconscient se produit à mon insu - n’a pas de prise. C’est que, pour Freud, l’inconscient est avant tout le produit du refoulement, i.e. le refus que le psychisme de l’individu oppose à un certain nombre de tendances et de pulsions. L’inconscient est, en effet, constitué d’éléments inavouables, rejetés par la conscience (le « conscient », dit précisément Freud). Il ne peut donc se manifester au grand jour. Son mode d’existence est souterrain : il est, mais ne paraît pas, forme spécifique qui explique qu’il soit ignoré ou contesté, puisqu’il est implicite, toujours occulté. Refoulement, résistance à l’explicitation de son contenu, sont deux caractéristiques de l’inconscient freudien. Ils sont constitutifs de sa structure, et permettent d’expliquer son fonctionnement particulier.

b/ Le symptôme :

   L’inconscient resterait à jamais inconnaissable s’il ne se manifestait pas sous une forme ou sous une autre. Bien qu’il soit refoulé, refusé, il parvient cependant à s’exprimer, mais masqué, travesti. Repérable par des indices, les « trous » qu’il produit dans la conscience sous forme de manifestations aberrantes (lapsus, actes manqués, rêves, troubles névrotiques …), l’inconscient ne peut être saisi qu’à travers des symptômes. Le discours qu’il tient est sans cesse à décrypter, derrière ses formes manifestes qui sont autant de masques, de travestissements. Le statut de l’inconscient est donc ambigu : il est décelable à des traces qu’il laisse, mais se défait dès qu’il est explicitement cerné. Cependant, découvrir le symptôme et mettre à jour le contenu refoulé ne revient pas à supprimer l’inconscient. Ce dernier reste hors d’atteinte, la désagrégation de l’une de ses formations ne le détruit pas. Elle ne fait que combler un vide, sans permettre de rétablir la continuité.

c/ La méconnaissance :

   Plus fondamentalement, l’inconscient freudien doit être postulé pour donner à l’ensemble des phénomènes psychiques leur cohérence. Or, la théorie freudienne repose sur l’idée que la conscience est dans un rapport de méconnaissance avec le reste de l’appareil psychique. Alors que traditionnellement on lui attribue le plus haut degré de lucidité et de compréhension à l’égard des phénomènes qui l’environnent, la psychanalyse la considère au contraire comme le lieu d’inscription du leurre et de l’illusion. En faisant de la conscience une manifestation parmi d’autres, et soumise, en fin de compte, à des influences qu’elle ne contrôle pas, Freud opère un renversement de perspective très important. Aujourd’hui les sciences humaines, en mettant en valeur les déterminations inconscientes qui influent sur le comportement des individus, ont renforcé cette conception des rapports de la conscience à l’ensemble de l’appareil psychique.

Conclusion :

   Les raisons qui incitent à postuler l’existence de l’inconscient résultent des lacunes constatées dans le domaine de la conscience, et de l’éclairage apporté par cette hypothèse. D’autre part, l’inconscient offre à l’analyse un certain nombre d’expérimentations possibles, qui justifient sa formulation comme concept. C’est tout à la fois sa fécondité thérapeutique et sa cohérence théorique qui autorisent à supposer son existence.



20/11/2008
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