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Dissertation :"Toute prise de conscience est-elle libératrice ?"

« Toute prise de conscience est-elle libératrice ? »

Type de corrigé : plan détaillé pour la dissertation.

 

Introduction :

 

   La prise de conscience ne se fait pas toujours dans la joie et l'on peut parfois la vivre comme une épreuve douloureuse. En effet, le savoir auquel nous confronte la prise de conscience semble mettre un terme brutal à une somme d'illusions bienfaisantes ainsi qu'à une forme de liberté consistant à croire ou à se comporter comme il nous plaît. En même temps, on ne peut que s'interroger sur la valeur de l'inconscience et du sentiment de liberté qu'elle procure, car il semble bien que ce soit une valeur trompeuse. N'est-ce pas plutôt la prise de conscience qui nous libère et en réalité l'inconscience qui nous enchaîne ? Mais alors le problème revient à comprendre comment la liberté est à l'œuvre dans toute prise de conscience et à quelles conditions.

 

1/ Toute prise de conscience serait plutôt aliénante par rapport à l'inconscience.

 

1-1 La prise de conscience nous impose l'objectivité envers nous-mêmes.

   Il convient tout d'abord de comprendre ce qui caractérise la prise de conscience par rapport à la simple conscience. Autant la conscience (de soi) peut être marquée par la subjectivité (du sujet lui-même), autant la prise de conscience implique un retour réflexif de la conscience sur elle-même, l'arrachant à la subjectivité pour la rendre plus objective. Le sujet doit donc en quelque sorte sortir de lui-même, de son propre point de vue, pour s'imposer un point de vue plus extérieur sur lui-même. En ce sens, la prise de conscience semble imposer l'abandon de cc que l'on tenait pour vrai, de ce qui constituait l'ensemble de nos représentations, de nos connaissances et de l'image lue l'on avait de soi. Prendre conscience, c'est passer de ce qu'on croyait à ce que l'on sait et ne plus pouvoir revenir en arrière - d'où le sentiment de perdre une forme de liberté, consistant à se voir de la façon qui nous convenait ou qui était la plus facile à accepter.

 

1-2 La prise de conscience nous impose la responsabilité.

   Cette objectivité se double d'une responsabilité en invitant le sujet conscient à « répondre » de soi, de ses actes. Comme l'explique Kant, l'enfant qui commence à dire « Je » cesse de se sentir pour se penser et accède par là même au rang de sujet, de personne.

   En cela, le sujet devenu véritablement conscient ne peut plus, par conséquent, se dédire de ce qu'il fait. Ses actes et ses pensées lui sont imputables ; il les porte et se doit de les assumer comme siens. La prise de conscience prive donc du confort de l'irresponsabilité, ce moment béni de l'enfance où rien n'est « de notre faute », où l'on peut agir sans savoir vraiment ce que l'on fait, sans penser aux conséquences, ni à la valeur morale de nos actions. Là encore, une forme de liberté semble perdue : celle consistant à agir comme bon nous semble.

 

1-3 La prise de conscience nous impose la vérité sur le monde extérieur.

   De même, l'objectivité de la prise de conscience nous fait passer de l'illusion (nous croyons savoir) au savoir lui-même, à la connaissance proprement dite. Or ce passage ne peut - semble-t-il - que se vivre dans l'épreuve et la difficulté, puisque forcément nous devons renoncer à ce qui, au fond, satisfaisait un désir. Comme le suggère l' « allégorie de la Caverne » de Platon, la prise de conscience peut nous aveugler par la souffrance qu'elle engendre. C'est donc bien qu'elle nous prive d'un état que nous lui préférons et qui est une façon de penser en toute liberté : penser le monde et les choses comme il nous plaît, selon nos opinions, sans s'imposer un travail de réflexion.

 

Transition.

   Il semble donc que la prise de conscience nous prive d'une certaine liberté. Cependant, cette liberté possible dans l'inconscience est-elle une vraie liberté ?

 

2/ Mais l'inconscience est une fausse liberté.

 

2-1 Ne pas se connaitre est une forme de dépendance.

   Nous pouvons remettre en question l'idée que la subjectivité serait confortable et «  libre ». En effet, rester rivé à son propre point de vue et se voir subjectivement tel que l'on désire se voir, c'est proprement ne pas se connaître et ne pas vivre en accord avec soi-même. Or cela revient à être dépendant d'une image fausse de nous-mêmes pouvant nous entraîner à faire de mauvais choix, à ne pas savoir aussi ce que nous faisons. Ne pas vivre en accord avec ce que nous sommes vraiment et ce que nous connaissons de nous-mêmes, c'est ainsi ne pas être soi-même mais être au fond un autre et vivre sous la conduite de cet autre que nous croyons être et que nous ne sommes pas.

 

2-2 L'irresponsabilité est une forme de déterminisme.

   De même, on peut croire que l'enfant inconscient est libre mais, en réalité, il est déterminé par ce que Freud appelle « le principe de plaisir » : il ne cherche qu'a satisfaire son propre plaisir, en se pliant a ses pulsions et en croyant à sa toute-puissance. Là encore, il n'y a pas de vraie liberté car c'est être esclave de soi-même. Comme le suggère Spinoza, celui qui « est captif de son propre plaisir au point de ne plus rien voir ni faire qui lui soit vraiment utile est soumis au pire esclavage ». En effet, l'inconscience est le pire des esclavages au sens où l'on dépend en fait de soi-même sans même le savoir - ce qui nous rend alors incapable de nous en libérer.

 

2-3 L'illusion est un bonheur fictif et éphémère.

   Enfin, même si l'on croit qu'il faut préférer l'illusion à la vérité pour être plus heureux, ce bonheur n'est qu'une satisfaction imparfaite et précaire. Comme le montre Descartes, la joie de l'illusion ne touche que la superficie de notre âme, qui en ressent une certaine amertume. Or cette amertume peut être le signe que notre esprit, plongé et noyé dans l'illusion, se sent à la merci d'une vérité moins plaisante et qui menace sa joie. En cela, l'illusion est menacée par une désillusion toujours possible et sa liberté n'est elle aussi qu'une apparence, une fausse liberté. Platon montre également que le « prisonnier » de la Caverne est au fond prisonnier de ses ombres, lesquelles lui montrent un monde tronqué, réduit, et l'empêchent de saisir la vérité profonde des choses, symbolisées par le Soleil.

 

Transition.

   Il nous faut donc bien admettre que l'inconscience n'offre pas une vraie liberté. Seule la prise de conscience peut alors nous libérer de cette illusion. Mais comment ?

 

3/ Conditions pour que toute prise de conscience soit effectivement libératrice.

3-1 La prise de conscience doit permettre la connaissance unificatrice de soi.

   La prise de conscience ne signifie pas « renoncer à sa subjectivité pour s'imposer un point de vue cruel sur soi-même ». La prise de conscience doit plutôt être un moyen pour notre propre conscience de rencontrer et de partager la subjectivité d'autrui, même s'il faut certes passer par ce que Sartre appelle « l'épreuve de la honte ». En effet, celle-ci est « reconnaissance » de soi et nous libère d'un point de vue erroné sur nous-mêmes. En ce sens, pour que la prise de conscience soit libératrice, il faut qu'elle s’ébauche sur le sentiment d'une unité trouvée ou retrouvée et non sur un traumatisme menaçant notre unité. Même si prendre conscience de ce que l'on est réellement implique l'effort d'accepter ce qui nous déplaît en nous, cet effort doit rester une preuve positive et constructive. « Faire » prendre conscience en imposant une souffrance trop brutale ne permettrait pas au sujet de se libérer de quoi que ce soit.

 

3-2 La prise de conscience doit être une responsabilité autonome.

   De même, croire que la responsabilité à laquelle nous engage la prise de conscience est aliénante serait une erreur. C'est au contraire la responsabilité qui est source de liberté, en nous permettant d'agir en tant que sujet autonome, animé d'une volonté et capable de maîtriser la réalité, de revendiquer et d'assumer de vrais choix. Là aussi, la responsabilité n'est pas quelque chose de facile, mais c'est la condition pour une vraie liberté, impliquant que l'on se libère d'une fausse liberté consistant à agir inconsciemment, au hasard de désirs non assumés. La prise de conscience de ce que l'on veut vraiment est alors le moyen de se diriger plus efficacement vers ce qui nous définit, vers ce que nous savons être notre but véritable, et elle prend le sens d'un authentique engagement envers nous-mêmes.

 

3-3 La prise de conscience doit être le bonheur d'une vérité délivrant de l'illusion.

   Enfin, la prise de conscience qui nous délivre de l'illusion cause certes du déplaisir : celui de la « désillusion », mais c'est au profit d'une satisfaction plus grande de l'esprit humain : celle de connaître la vérité. Le « prisonnier » de la Caverne qui a finalement contemplé le Bien ne veut pour rien au monde redescendre parmi ses anciens compagnons, et son bonheur tient à ce qu'il est libéré de ses anciennes chaînes. Il voit enfin le « ciel des Idées », c'est-à-dire l'ordre même du monde ; il comprend cet ordre comme étant l'œuvre d'une raison et peut ainsi ne plus craindre d'être soumis au hasard des choses.

 

Conclusion.

 

   Si nous avons pu croire que la prise de conscience entravait la liberté par ses exigences, il est apparu que, sans prise de conscience, l'homme se maintenait figé dans une inconscience asservissante. La prise de conscience doit donc être comprise comme le moyen permettant de sortir de cette fausse liberté, à condition qu'elle soit constructive et épanouissante pour le sujet lui-même.

 



02/02/2009
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