Philoforever

Expression courante : "Repartir à zéro".

« Repartir à zéro »

 

 

   Le mot « repartir », seul, n'aurait pas toute la force qu'il prend ici s'il n'était associé à « zéro ». L'usage du chiffre donne à l'expression un caractère radical, aussi net, précis et sans compromis que la froide vérité du calcul mathématique. Mais, de surcroît, « zéro » n'est pas n'importe quel chiffre ! A la fois l'invention géniale d'un neutre permettant un exceptionnelle capacité opératoire en mathématiques, « zéro » renvoie aussi à l'idée négative du « rien » ou du « nul ».

   Après l'examen rigoureux des termes de l'expression, on peut dégager en elle un réel potentiel philosophique.

   En effet, l'expression semble faire état d'une démarche où l'existence humaine est conçue comme un parcours que l'on a construit ou jonché de ce qu'on a construit, qui, néanmoins peut être réduit à néant ; ensuite un parcours où l'on semble pouvoir revenir en arrière. Ainsi, une certaine conception de la vie humaine s'esquisse là. Ce qu'on y acquiert, qu'on y édifie, semble assimilé à ces bagages abandonnés sur un quai de gare, ou à ces phrases tracées à la craie qu'un simple coup de chiffon efface, et, parcourant l'existence comme on sillonne un pays, l'homme va et vient, changeant de routes et de directions ou revenant à son point de départ.

   N'y a-t-il pas là, en arrière-fond, toute une « philosophie » de l'existence humaine ? En effet, une telle interprétation met en valeur la conscience que l'homme a de la précarité des choses, des êtres et des situations qui semblent les plus solides, ancrées, sûres, leur caractère temporel mais aussi fragile. De là surgit l'idée de dépouillement propre sans doute à la condition humaine, quand on la compare à celle de l'animal jouissant de tous les « équipements instinctifs » que lui offre la nature. Mais du même coup, cette même conscience confère à l'homme une certaine indépendance à l'égard de toutes ces réalités qui, pour fondamentales qu'elles puissent être, peuvent lui échapper. Il est « à zéro » ? Qu'à cela ne tienne ! Il va repartir ! Seule la mort, semble-t-il, pourrait avoir raison de lui. Par excellence projet, dépassement et détachement, l'homme n'affirme-t-il pas là son extraordinaire capacité à être libre ?

  



09/07/2008
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