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"L'Idiot" de Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevsky (1821-1881)

L'Idiot

Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski (1821-1881)

Roman, Russie, 1869

 

 

Résumé :

 

   Dans un compartiment de chemin de fer, trois hommes devisent : le prince Mychkine qui revient d'un séjour en Suisse où on a soigné son « idiotie » (tuberculose et épilepsie) ; Rogojine qui raconte sa passion violente pour Nastassia Philipovna ; Lebedev qui semble connaître beaucoup de monde : la famille du prince et la jeune femme dont Rogojine est épris.

Mychkine se rend chez ses voisins; sa parenté avec la maîtresse de maison est assez éloignée mais son époux, le général Yépantchine, accepte de se charger du nouveau venu parce qu'il a décelé en lui des capacités d'innocence et de crédulité, et des aptitudes pour l'écriture.

   Mychkine apprend que Nastassia doit choisir son époux le soir même : soit Rogojine qui lui apporterait la fortune, soit Gania qui convoite celle de la jeune femme, soit le sinistre Totzky qui a élevé Nastassia orpheline dès le plus jeune âge, a abusé d'elle et « géré » ses biens. Un lien secret attire le jeune homme vers cette inconnue en qui il devine une victime des circonstances au caractère noble. Il se rend à la réunion du soir et, par fascination et par pitié pour elle devant l'attitude désagréable des trois prétendants, il lui offre le mariage. Nastassia refuse cette offre et renvoie tout le monde.

   Par la suite, on apprend qu'elle s'est enfuie avec Rogojine avec qui elle mène une vie tumultueuse. Rogojine, très perturbé, tente d'assassiner par jalousie Mychkine avec qui il est pourtant très lié. D'autre part, Mychkine fréquente assidûment ses cousins qui lui ont trouvé un logement chez Gania. Il se lie d'amitié avec son frère Kolia, étudiant sincère et idéaliste. Au cours de leurs longues conversations passionnées, Mychkine et un groupe de jeunes discutent de la politique, des injustices sociales en Russie.

   Malgré l'amitié nouée avec le groupe, Mychkine est victime d'un sordide complot : l'un des membres du groupe fait paraître un article calomnieux exposant que le prince ne serait qu'un imposteur qui aurait volé son père adoptif au détriment d'un fils naturel. Les faits sont complètement démentis par ce dernier et Mychkine, magnanime, pardonne à tout le monde.

   D'autre part, des liens se nouent entre le prince et sa cousine Aglaé, dont l'impétuosité égale la beauté. Elle se comporte étrangement envers lui, ne semblant ignorer aucun de ses faits et gestes, notamment sa relation épisodique avec Nastassia. En fait, Mychkine ne peut résister à la douleur ou à la fragilité des autres et tombe souvent dans des pièges, mais il semble que ce soit sa vocation : aimer, aider, soutenir les causes perdues, souvent au détriment de son propre bonheur. Il en est ainsi de ses relations avec Nastassia qu'il ressent comme une fille perdue, au bord de la folie et pourchassée incessamment par Rogojine qui ne peut la rendre heureuse.

   Toutefois, le prince se décide à demander Aglaé en mariage : elle l'aime mais, par orgueil, ne l'a jamais avoué. A la veille d'une réception en l'honneur des futurs fiancés, tout le monde est anxieux: Mychkine qui rêve qu'il fait une crise d'épilepsie devant les invités, Aglaé et sa famille qui se demandent s'il va plaire à la société.

   La soirée se passe bien jusqu'au moment où les conversations s'engagent sur le terrain politique; le prince défend des idées socialistes qui déplaisent aux invités. Ensuite, quelqu'un fait allusion à la filiation de Mychkine et celui-ci s'emporte tellement qu'il fait une crise d'épilepsie.

   Malgré tout, Aglaé consent à se marier et Mychkine est fou de joie. Mais la jeune femme, troublée par des contradictions internes, a une entrevue orageuse avec Nastassia, en conclut que celle-ci l'aime et qu'elle a besoin du prince pour être sauvée. Elle la jette dans les bras de ce dernier qui, après beaucoup d'hésitations et de souffrances, décide d'épouser «la réprouvée ». Lors de la cérémonie, Nastassia paraît dans une robe superbe mais ses yeux sont hagards ; dans la foule, elle a aperçu Rogojine et, dans un élan de folie, s'enfuit avec lui.

   Désespéré, Mychkine recherche dès le lendemain Nastassia dans Saint-Pétersbourg mais en vain. Dans la soirée, Rogojine consent à lui ouvrir pour le conduire vers le lit où se dessine une forme immobile : Nastassia assassinée.           

   Rogojine sera condamné à quinze ans de prison; Mychkine, sous le choc, retombe malade et retourne en Suisse pour reprendre ses soins.

 

Pistes de lecture :

 

La folie et jeu :

 

   Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski est né à Moscou en 1821, d'un père médecin, brutal et autoritaire, tyrannique et alcoolique et d'une mère dont on connaît peu de choses et qui mourra en 1837 de phtisie; son mari la suivra un an plus tard dans la mort, assassiné par ses serviteurs révoltés de son attitude.

   Après avoir entrepris des études d'ingénieur pour suivre la volonté de son père, Fédor se consacre rapidement à la philosophie, la littérature et la politique. Il traduit des auteurs français : Balzac, George Sand, Eugène Sue. Il admire Hugo, Goethe, nourrit une amitié passionnée pour Schiller avec qui il partage l'espoir d'une fraternité universelle. Chez Dickens, il reconnaît un intérêt qui est le sien : l'enfance malheureuse.

   Par contre, dès l'enfance, il manifeste un énorme désir de puissance, est très tourmenté et écrit un jour à son frère : « J'ai un projet : devenir fou.»

   1846 est l'année de ses premières œuvres : Les Pauvres Gens, Le Double, bien accueillies par le public. D'autres suivront : La Femme d'un autre, Un Cœur faible...

   En 1849, il participe à l'organisation d'une presse clandestine anti tsariste. Arrêté et condamné à. mort, il ne purgera qu'une peine de quatre ans de bagne qui le marqueront profondément et donneront lieu à la publication de Souvenirs de la maison des morts (1862).

  Durant ses années de mariage avec Maria Dmitrievna, il rencontre Pauline Souslova qui sera sa véritable muse. C'est elle qui lui sert de modèle pour Aglaé. L'année 1866 est faste puisque Crime et Châtiment et Le Joueur voient le jour. En 1867, l'auteur se remarie mais le couple est obligé de voyager sans cesse car Dostoïevski est poursuivi pour dettes de jeu. C'est en 1868 que paraît L'Idiot qui suscite une grande admiration en Russie et à l'étranger.

   Parmi les œuvres les plus connues qui jalonnent sa carrière durant les années suivantes, citons L'Eternel Mari, Les Démons.

   En 1878, il commence à travailler à ce qui sera considéré comme son chef-d'œuvre : Les Frères Karamazov, terminé quelques mois avant sa mort en 1881. La Russie lui fera des funérailles nationales.

 

Influences décisives :

 

   L'actualité littéraire est à la source de l'œuvre, et notamment la publication de La Vie de Jésus de Renan. Dostoïevski fut fortement impressionné par l'œuvre et admira profondément cet « homme-Christ ». D'autre part, l'auteur considère que « de toutes les belles figures de la littérature, la plus parfaite est celle de Don Quichotte. Mais le héros de Cervantès n'est si beau que parce qu'il est en même temps ridicule. » Enfin, le héros de Dickens, Mr Pickwick, l'influence également.

   Quant à l'actualité judiciaire, elle donne naissance au personnage de Nastassia : une fillette de quinze ans avait tenté d'incendier la propriété de ses parents, tortionnaires et violeurs.

   Ce personnage signifie conjointement l'abandon et le viol, donc la vocation du malheur, et malgré le don total de Mychkine et sa volonté de la sauver, il n'y parviendra pas : la fatalité est trop forte et la jeune fille doit mourir en victime.

 

Le mythe de l'homme absolument bon :

 

   Mychkine est celui qui manifeste tout au long de l'œuvre cette bonté innocente et enfantine qui lui fait tout accepter des autres, pardonner même quand ses amis lui ont fait du mal, rêver d'une société plus juste et plus humaine; malheureusement, tous ses efforts ne l'empêcheront pas de retomber dans sa folie.

   Jugée sévèrement, son attitude semblerait provenir d'une inaptitude congénitale à l'égocentrisme et d'une émotion constamment renouvelée à la vue des malheurs d'autrui. Supériorité de l'esprit ou attitude dépressive? En réalité, le malheureux prince n'accomplit jamais les sacrifices projetés, il lui manque la force; ainsi, son « idiotie» ne pouvant se parer de sainteté resterait ce qu'elle est en réalité : une tare.

    Gardons cependant à l'esprit qu'il possède l'intelligence la plus haute, celle du cœur. C'est peut être le seul personnage dostoïevskien sur lequel le mal n'ait pas de prise et dont la pureté soit intégrale. Il ne supportera pas l'épreuve de ce monde.

 



07/07/2008
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