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La notion d'"inconscient psychique"

Notion d'inconscient psychique

 

   La théorie des pulsions et les mécanismes de défense du moi.

   Les pulsions érotiques qu'elles soient narcissiques (amour de soi-même) ou objectales (amour d'un objet autre que le moi) sont régies par le principe de plaisir (toute tension désagréable entraîne un dynamisme correcteur qui tend à réduire cette tension, c'est-à-dire à supprimer le déplaisir au profit du plaisir) et réglées par le principe de réalité (qui nous invite à ajourner la satisfaction, à la reporter à plus tard pour tenir compte des obstacles imposés par le monde extérieur). Freud a montré que la libido ne débute pas à la puberté mais à la naissance et que l'enfant passe par des stades où s'investit successivement sa sensualité : stade oral (ou buccal, période de la tétée), stade sadique-anal (la libido anale doit se soumettre, lors de la deuxième ou troisième année au difficile apprentissage de la propreté), stade phallique lorsque vers quatre ou cinq ans la curiosité pour les organes reproducteurs s'éveille. C'est en même temps l'époque du complexe d' Œdipe où l'enfant se fixe au parent du sexe opposé et s'identifie (faute de pouvoir le supplanter) au parent du même sexe (par exemple, pour le petit garçon « la mère est ce qu'il voudrait avoir, le père ce qu'il voudrait être »). A partir de 1920 (Au-delà du prin­cipe du plaisir) Freud distinguera de la libido la pulsion de mort : les rêves nocturnes dans la névrose traumatique (le sujet refait toujours le même rêve sombre, son arrestation par la police, par exemple) ne peuvent être comme les rêves habituels régis par le principe du plaisir (satisfaction voilée d'un désir), mais semblent régis par un principe de répétition (un événement douloureux  étant sans cesse revécu) Nous sommes ici près du « cauchemar ». D'où l'affirmation de l'existence d'une pulsion de mort ou pulsion agressive qui peut être tournée vers autrui (sadisme) ou vers soi-même (masochisme). La science de l'inconscient que Freud a tirée de son expérience pratique de psy­chanalyste, enseigne quels sont les multiples avatars des pulsions au cours des conflits psychologiques qui constituent la trame de toute vie. Les pulsions qui entrent en conflit avec les interdits sociaux et qui peuvent alors être dangereuses pour la sécurité du « moi » sont refoulées c'est-à-dire chassées de la conscience claire. Le refoulement peut provoquer la régression, c'est-à-dire le retour d'une pulsion à une étape antérieure (par exemple la libido peut régresser au stade oral ou au stade sadique-anal). Parfois un sentiment de culpabilité pénible se tourne par projection en délire (paranoïaque) d'accusation d'autrui (le président Schreiber ne pouvant supporter l'idée de son désir homosexuel pour son médecin, le docteur Flechsig refoule ce « je l'aime » inacceptable et le déforme par projection en un « il me hait »). La sublimation est la dérivation d'une tendance refoulée sur un objet considéré comme moralement ou spirituellement supérieur (désir sexuel sublimé en adoration mystique, agressivité sublimée en généreuse émulation). La rationalisation est la pseudo-justification (par des motifs raisonnables) d'une conduite provoquée par des pulsions inconscientes. La somatisation (du grec sôma = corps) est le déplacement d'un conflit psychologique inconscient en trouble organique. Par exemple, l'anorexie mentale (absence complète d'appétit) pourrait être, pour une part, considérée comme une grève de la faim inconsciente. Le conflit psy­chique se déguise en maladie pseudo-organique, se dissimule dans la « cachette du corps » (Binswanger).

   Jacques Lacan a montré de nos jours que les procédés de symbolisation, de déplacement, de substitution propres à l'inconscient ont la même structure que les procédés stylistiques du discours et que l'inconscient est structuré comme un langage. Le matériel de recherche qui s'offre au psychanalyste, c'est en. effet la parole du patient. Le psychanalyste est un homme qui écoute, qui déchiffre, qui interprète. C'est un linguiste, un traducteur. L'inconscient, c'est « cette partie du discours concret qui fait défaut à la dispo­sition du sujet pour rétablir la continuité de son discours conscient ». La cure analytique n'a pas en ce sens d'autre but que de restituer au sujet « une parole pleine ».

   Plus précisément lorsque Lacan nous dit que les symboles du rêve, symptômes névrotiques sont le langage de l'inconscient, sont « les signifiants d'un signifié refoulé dans l'inconscient du sujet », il faut le prendre à la lettre c'est-à-dire entendre que les lois du matériel inconscient ont la même structure que celle que les lin­guistes découvrent dans toutes les langues humaines. Dans le rêve,« ce rébus », dit justement Lacan, l'inconscient s'exprime par des figures analogues aux « figures de rhétorique ». L'inconscient se dissimule par des procédés de substitution où l'on reconnaît l'euphémisme, l'anti-phrase, la litote. Par exemple le phénomène, de déplacement dans les rêves (où tel objet refoulé est discrètement signifié par une de ses parties, seule présente dans le contenu patent du rêve) est identique à la métonymie des grammairiens (la métonymie est une figure qui consiste à substituer un terme à un autre par restriction ou extension de sens : dire « toute la salle » applaudit, au lieu de « toutes les personnes qui sont dans la salle » applaudissent). Ceci ne devrait pas surprendre puisque l'homme est avant tout parole, puisque les interdits que nous subissons sont d'abord des « mots », puisque le besoin animal ne devient en nous désir humain qu'en se formulant dans le langage, qu'en « passant par les défilés du signifiant ». Ainsi l'inconscient freudien selon Lacan est-il  « un discours dont le sujet ignore la grammaire et la syntaxe ».

   La psychanalyse, en déchiffrant les lois de l'inconscient a ouvert à  la recherche un nouveau continent. Ce qu'elle a de plus fécond c'est cette idée que tous les phénomènes psychiques, même ceux où le désordre semble régner ont un sens. Tandis que Descartes par exemple ne trouvait de signification proprement humaine qu'aux processus logiques de la pensée réfléchie et expliquait instincts et passions par les lois de la mécanique nerveuse, aux yeux de Freud, instincts, passions, rêves nocturnes, symptômes apparem­ment absurdes des névroses ont une signification cachée . Entre les processus normaux et les processus névrotiques, il n'y a pas de rupture radicale. En ce sens, ce qu'on nomme antipsychiatrie, n'a fait que généraliser la découverte des psychanalystes. Non seulement les névroses, c'est-à-dire les troubles de l'affectivité (angoisses, phobies) qui laissent intacts le jugement en général et la personnalité globale, mais encore les grandes maladies mentales, ou psychoses ( où l'on voit la personnalité sombrer dans le délire) ont un sens c'est-à-dire s'expliquent en définitive par le conflit du désir et de la répression sociale (celle-ci transmise par les interdits familiaux). La solution traditionnelle offerte aux maladies men­tales (l'internement en hôpital psychiatrique) ne fait que repro­duire en l'aggravant la contrainte exercée par la famille sans donner la clef de l'énigme. La psychanalyse, au contraire, en déchif­frant le sens des processus insensées n'ouvre-t-elle pas la voie à un processus révolutionnaire?

   Si la psychanalyse est - ou pourrait être - révolutionnaire, si elle a longtemps passé et passe encore dans certains milieux pour une recherche subversive c'est parce qu'elle dévoile le désir et de ce fait (quelle que soit l'officielle neutralité de l'analyste) dénonce tous les mécanismes par lesquels les institutions qui veillent au maintien de l'ordre public répriment le désir, le dérivent dans le travail, le subliment dans les idéologies morales ou religieuses. La contrainte sociale ne s'exerce jamais sans une hypocrisie, que, précisément, le psychanalyste dénonce (par le simple fait de dévoiler les méca­nismes du système). C'est en ce sens que Freud allant faire en 1909 sa première grande tournée de conférences aux U.S.A. annon­çait qu'il apportait la peste.

   Pourtant Freud n'était pas personnellement un révolutionnaire et si la théorie psychanalytique a des accents subversifs, la cure psychanalytique a été dénoncée parfois (notamment par Marcuse), comme un « cours de résignation ». N'enseigne-t-elle pas au malade à accepter le monde tel qu'il est, à s'adapter à la société injuste et douloureuse qui a précisément provoqué sa névrose, cette rébellion ?

 

 

Texte : Sublimation et perversion selon Freud

 

   « Il est probable que la pulsion sexuelle est plus fortement façonnée chez l'homme que chez la plupart des animaux supérieurs... Elle met à la dis­position du travail culturel une quantité extraordinaire de forces, et cela sans doute, par suite de la propriété particulièrement prononcée qui est sienne de déplacer son but sans perdre essentiellement en intensité. On appelle capacité de sublimation cette capacité d'échanger le but qui est à l'origine sexuel contre un autre... En opposition avec cette aptitude au déplacement dans laquelle réside sa valeur culturelle, il arrive que la pulsion sexuelle subisse une fixation particulièrement tenace qui la rend inutilisable et la fait dégénérer à l'occasion en ce qu'on appelle des anomalies... Le processus de déplacement ne peut sûrement pas se perpétuer indéfiniment pas plus que ne le peut dans nos machines la transformation de la chaleur en travail mécanique. »

La vie sexuelle, pp. 33-34, P.U.F., 1969.

 



12/12/2009
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