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Leçon 14 : La science, conquête de vérité ou conquête de liberté ? I° partie (Cliquez sur le lien !)

 

IV-1-2/. Science et éthique. La science, conquête de vérité ou conquête de liberté ?

 

Texte d'appui : "Il n'y a de science que de l'universel et du nécessaire", texte extrait des Seconds Analytiques d'Aristote.  

 

   « L’universel, ce qui s’applique à tous les cas, est impossible à percevoir, car ce n’est ni une chose déterminée, ni un moment déterminé, sinon ce ne serait pas un universel, puisque nous appelons universel ce qui est toujours et partout. Puisque donc les démonstrations sont universelles, et que les notions universelles ne peuvent être perçues, il est clair qu’il n’y a pas de science par la sensation. Mais il est évident encore que, même s’il était possible de percevoir que le triangle a ses angles égaux à deux droits, nous en chercherions encore une démonstration, et que nous n’en aurions pas (comme certains le prétendent) une connaissance scientifique : car la sensation porte nécessairement sur l’individuel, tandis que la science consiste dans la connaissance universelle. Aussi, si nous étions sur la Lune, et que nous voyions la Terre s’interposer sur le trajet de la lumière solaire, nous ne saurions pas la cause de l’éclipse : nous percevrions qu’en ce moment il y a éclipse, mais nullement le pourquoi, puisque la sensation, avons-nous dit, ne porte pas sur l’universel, ce qui ne veut pas dire que par l’observation répétée de cet événement, nous ne puissions, en poursuivant l’universel, arriver à une démonstration, car c’est d’une pluralité de cas particuliers que se dégage l’universel. »

                                                     Aristote, Organon, Seconds analytiques (IV° siècle av. J.-C.)

 

Platon et Aristote.jpg

 

Exercices préparatoires à l'explication du texte : 

 

1/ Qu'est-ce que la "déduction" ? (la logique déductive)

2/ qu'est-ce que l'"induction"? (la logique inductive)

3/ Qu'est-ce que l'"universel" ?

4/ Lorsque Aristote soutient qu’ : « il n'y a de science que de l'universel ? », qu'est-ce que cela signifie ? Quelles sont les conséquences d'une telle affirmation sur la qualité et la fonction de la science ?

 

    On associe l’idée de science avec celle d’exploration et de découverte de réalités empiriques qui sont par ailleurs jugées accessibles : la matière, le mouvement, le vivant … Or, ces dernières, nous les percevonsLa perception ou sensation est-elle science et si non, comment définir la science ?

 

   Tel est le problème que s’attache à résoudre Aristote dans cet extrait de son Organon (rassemblant tous ses travaux de « logique »), plus exactement dans les Seconds Analytiques (traitant de la « logique inductive », alors que les Premiers Analytiques traitent de la logique déductive). Le philosophe veut montrer qu’il n’y a de science que de l’universel  (« Il n’y a de science que de l’universel et du nécessaire », est une de ses fameuses citations), ce qui exclut la perception. Comment dès lors peut-elle rester en phase avec le réel si elle doit exclure la sensation au profit de la seule rigueur logique, de l’abstraction mathématique, la seule qui vaille vraiment pour toute science exacte ?

 

  Cet extrait commence par une définition de l’universel, à savoir qu’il est ce qui vaut pour tous les cas. Or, on peut l’entendre en deux sens. Soit est universel ce qui vaut pour tout ce qui existe (l’ensemble de l’Univers matériel et immatériel), soit pour un ensemble de réalités. Il est clair que dans le premier cas il n’y aurait qu’un terme « universel » dont on ne pourrait strictement rien démontrer puisqu’il serait plus large que tous les autres termes. Il faut donc entendre universel ici au sens logique, c’est-à-dire comme ce qui s’oppose à particulier, voire à singulier. Ainsi “l’homme” est universel pendant que “Socrate” est particulier. Par contre, “philosophe” est universel mais moins qu’“homme” qui lui-même est moins universel qu’“animal”.

 

   De l’universel, Aristote affirme qu’il n’est pas possible de le percevoir. Ce qui revient à dire qu’on ne peut que le concevoir. Pour le montrer, Aristote nie que l’universel soit une chose déterminée et il nie qu’il se situe en un temps donné. Il ne se situe en aucun espace ni en aucun temps. Cette double négation se réfère aux conditions de la perception. On perçoit une chose déterminée, par exemple Socrate. Par contre, on ne peut percevoir l’ « homme ». Rappelons-nous que Diogène se promenait la nuit dans les rues d’Athènes pour chercher l’Homme de Platon, l’Idée (eidos) d’Homme, que naturellement il ne trouvait pas. Pour prendre une référence plus récente, on peut souligner par ex. que l’ « homme » de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen est une catégorie logique, une abstraction rationnelle. Il n’existe à strictement parler que des hommes singuliers et non un homme universel. De même on perçoit Socrate à tel moment alors que l’homme en général n’est d’aucun temps donné. Aussi Aristote précise-t-il que l’universel est toujours et partout, ce qui revient à dire qu’il est de tout temps et qu’il se situe dans toutes les réalités auxquelles il s’applique. Le concept de triangle n’est d’aucun temps, ni d’aucun lieu, par exemple, et il en va de même de la plupart des « objets » mathématiques.

 

Aristote et l'universel.jpg

 

   Le sens de cette distinction est de montrer l’impossibilité pour la sensation, c’est-à-dire la saisie de l’individuel par au moins un des cinq sens, d’être un savoir. Il n’y a pas lieu dans cet extrait de distinguer sensation et perception. Aristote s’appuie sur le présupposé que savoir, c’est démontrer. Il pose donc comme prémisse que les démonstrations sont universelles. Il faut comprendre non pas que toutes les prémisses d’une démonstration sont universelles, mais qu’il y en a au moins une, sans quoi on ne peut rien démontrer. Si je dis que “quelques hommes sont mortels” et que “quelques philosophes sont des hommes”, rien ne me permet d’en conclure que “quelques philosophes sont mortels”. Par contre, si je pose que “tous les hommes sont mortels”, et que “quelques philosophes sont des hommes”, j’en déduirai nécessairement que “quelques philosophes sont mortels”.

 

   Disons que pour l’instant, on ne voit pas trop en quoi la science démonstrative permettrait de connaître la réalité intégralement. Il semble que ce qui se donne à la perception, à savoir l’individuel, lui échappe. Dès lors, n’est-il pas nécessaire d’admettre à côté de la démonstration une autre connaissance, à savoir justement celle que donne la perception ? Et si oui, comment est-elle possible ?

 

   Cette explication de texte est divisée en deux parties. La seconde ne tardera pas !

   On avance lentement, mais surement ...

 

                             Bon travail !

 



07/05/2021
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