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Leçon 32 : Introduction à la théorie de la sexualité chez Freud. Première partie (Cliquez sur le lien !)

Introduction à la théorie de la sexualité chez Freud

 

Sexualité « stricto sensu » (au sens étroit) et sexualité « largo sensu » (au sens large)

 

 

   La sexualité, dans le cadre de la théorie psychanalytique est à entendre au sens large : elle n’est autre qu’une totalité dynamique qui pénètre l’être humain tout entier et qui intègre tous les éléments dont on peut le composer. Cet élargissement et cette généralisation de la fonction sexuelle vont, naturellement, une nouvelle fois, valoir à Freud nombre d’ennemis aussi puritains que farouches. Comment oser dire que tout un chacun est envahi d’une « libido » (pulsion de sexualité) qui commande à peu près tous ses comportements, et cela de sa plus tendre enfance (Freud reste une référence en matière de compréhension de la sexualité infantile … Complexe d’Œdipe …) jusqu’au crépuscule de sa vie ? Ce scandale qu’on ne va cesser de lui reprocher est surtout dû au fait  que l’on a souvent transposé, sur cette définition très large de la sexualité, une représentation étroite, adulte, pudibonde de l’activité sexuelle. Un certain moralisme aidant (plutôt victorien, à l’époque de Freud !), l’incendie déclenché par le psychanalyste va être difficile à éteindre.

 

   Bref, revenons à cette « redéfinition » de la sexualité « largo sensu », élargie : elle ne se limite ni à la fonction de reproduction, ni à la jouissance tirée des organes génitaux dans le coït, ni aux différences séparant les sexes, ni aux caractères d’indécence ou de secret que la culture attache à ce qui est sexuel. La psychanalyse en trouve la preuve dans l’existence de pratiques sexuelles dites « perverses » par rapport à la sexualité normale. Ainsi n’éprouver du désir que pour les personnes de son propre sexe, c’est une perversion*, sans que ce mot implique chez Freud la moindre réprobation morale (c’est une déviation par rapport à la norme sexuelle). Mais on ne peut pas dire que les perversions n’appartiennent pas à la vie sexuelle. Et pourtant la fonction de reproduction, le but normal de la sexualité, à savoir le coït hétérosexuel, n’entrent pas dans leur définition.

 

[* Ce mot de « perversion » qui en rajoute également au scandale provoqué par la psychanalyse est lui-même à entendre au sens étroit et au sens large, « stricto sensu » et « largo sensu ». Au sens étroit, il s’agit des déviances sexuelles que nous condamnons le plus souvent au nom de la morale et/ou du droit. Au sens large, il s’agit simplement de souligner que la « libido », le désir sexuel n’emprunte pas directement le chemin de la génitalité ou pour le dire autrement, de l’hétérosexualité adulte monogame scellée par un contrat (le mariage, la conjugalité)) et tout entière dévolue à la procréation. Cette « normalisation » de la sexualité est le fait de la « culture » et non de la « nature », de l’ « acquis » et non de l’ « inné », voire d’un certain type de culture, car cette normalisation n’est pas universelle. Ici, ce n’est plus seulement du côté de la psychologie qu’il faut se tourner, mais également du côté de la sociologie de la sexualité. (Cf. Constructions sociales de la sexualité, Michel Bozon, 1993)]

 

   Parlons d’abord brièvement des « perversions stricto sensu », avant d’envisager dans une prochaine leçon la … (attention au jargon !) perversité infantile polymorphe.

 

   Ce qui caractérise les perversions, c’est qu’elles refusent et nient le but essentiel de la sexualité, c’est-à-dire l’accouplement des organes génitaux de sexe opposé (la génitalité) et ont bien entendu renoncé à la procréation. Une semblable définition élargit extraordinairement le domaine de la perversion, puisqu’une activité sexuelle est considérée comme perverse lorsqu’elle recherche le plaisir par un autre moyen que par les organes sexuels du partenaire de sexe opposé.

   Mais dans ce cas, qui n’est pas pervers ? Le baiser en effet entre dans cette définition de la perversion. C’est pourquoi Freud admet que la sexualité est fondamentalement et primitivement perverse : elle ne devient normale qu’à la suite de refoulements et d’inhibitions qui se produisent au cours de son développement. L’origine des perversions remonte à la sexualité infantile qui est nécessairement perverse, dans la mesure où le but sexuel échappe à l’enfant. On trouve déjà toutes les possibilités de perversion chez l’enfant. Mais chez l’enfant, il y a perversion en sens large, théorique et général, comme lorsqu’on y range le baiser.

 

   Les véritables perversions sont des déviations morbides où toute vie sexuelle normale est écartée. Freud distingue les perversions qui se rapportent à l’objet sexuel, c’est-à-dire à la personne exerçant un attrait sexuel, et celles qui se rapportent au but sexuel, à la nature de l’acte qui remplace le coït hétérosexuel. La plus importante des perversions qui concernent l’objet sexuel, c’est l’homosexualité (encore une fois, il ne s’agit pas, en utilisant ce terme de perversion, de porter un jugement de valeur moralisant). La   psychanalyse montre que l’homosexualité se forme le plus souvent dans la petite enfance. L’enfant a éprouvé un vif attachement érotique vis-à-vis de sa mère, qui est soit une femme virile, soit une femme seule, le père étant absent. Cet amour pour la mère est refoulé, et le petit garçon va prendre ensuite sa propre personne comme l’idéal de ses choix amoureux. Il veut en effet aimer quelqu’un comme lui-même, un jeune garçon comme celui que sa mère a aimé. Il s’identifie à sa mère. Il fuit les femmes qui pourraient le rendre infidèle à elle.

 

   Excepté le choix de l’objet, les homosexuels se comportent envers l’être aimé  sensiblement de la même façon que les hétérosexuels. Il en va tout autrement des pervers qui dévient quant au but sexuel. Pour l’homme normal, la sexualité de l’objet aimé ne se limite pas aux parties génitales, elle s’étend au corps entier. Tous les organes du corps, outre leur fonction normale, peuvent jouer un rôle sexuel « érogène ». Mais ce rôle n’est pas dominant, c’est-à-dire que l’homme normal ne s’arrête pas exclusivement à telle ou telle partie du corps de l’être aimé en refusant le contact avec les organes génitaux. Or, les pervers non seulement remplacent le vagin par la bouche ou par l’anus, mais encore par une autre partie du corps (le pied, le sein, les cheveux), ou même par un objet inanimé qui touche de près l’être aimé ou son sexe (chaussures, sous-vêtements). Cela s’appelle le fétichisme. Il y a une part de fétichisme dans l’amour normal ; c’est une forme de préparation à l’acte sexuel. Mais il y a perversion lorsque le fétiche se détache de la personne et devient à lui seul le but sexuel. Il y a perversion encore chez ceux qui s’en tiennent aux actes préliminaires à l’union sexuelle (caresses, inspection, etc.). Le besoin de regarder, de toucher devient pervers lorsqu’il constitue un but indépendant de l’acte sexuel et détourne de lui ; également, lorsque ce besoin se limite aux parties génitales. Tel est le cas des voyeurs et des exhibitionnistes.

 

   Le sadomasochisme une « théâtralisation » de la vie sexuelle, laquelle devient un « jeu de rôles », le partenaire dominant y devenant dominé et réciproquement, l’amour se faisant fictivement « haine » et le plaisir se confondant avec la douleur. Là encore, il s’agit de nier ou d’être dans l’incapacité à assumer une sexualité normalisée dont le but n’est pas ludique, mais sérieux (la procréation, par ex.).

 

   L’existence même des perversions prouve que le champ de la sexualité dépasse largement les fonctions de procréation et la maturité sexuelle. Ce champ englobe la période infantile qui seule permet d’expliquer aussi bien la perversion et la névrose que la vie sexuelle normale.



16/06/2021
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