Leçon 33 : Introduction à la théorie de la sexualité chez Freud. Deuxième partie (Cliquez sur le lien !)
La sexualité infantile
Stades et complexes.
Comme nous avons pu le souligner dans les précédentes leçons, la « sexualité » humaine n’est pas de l’ordre d’un instinct, elle ne relève pas de l’inné, mais elle résulte essentiellement d’une construction et d’une normalisation (elle s’ajuste sur une norme ou la transgresse, mais elle se structure toujours sur la base de cette norme) sociales. Cette structuration de la sexualité humaine obéit à une chronologie correspondant elle-même à la maturation physiologique et psychologique du sujet. Ainsi l’enfant, puisque tout se joue dans l’enfance, dans le cadre de la théorie psychanalytique, va passer par un certain nombre de stades et de complexes qui vont être autant d’étapes décisives dans sa maturation sexuelle et comportementale. Ces « stades » et « complexes » sont tous marqués par la perversion, c’est-à-dire par une activité sexuelle non tournée vers la procréation.
Le stade oral (0-1 an) :
L’observation du nourrisson montre que son principal sinon son unique intérêt se porte sur l’absorption de la nourriture. L’action de sucer n’importe quel objet lui procure une satisfaction béate. Cette sensation de plaisir au niveau de la zone buccale constitue la première manifestation de sexualité perverse. La succion est d’abord une manière de satisfaire un besoin, elle devient ensuite un moyen de se procurer du plaisir, de satisfaire sa libido. La bouche devient zone érogène. « L’acte qui consiste à sucer le sein maternel devient le point de départ de toute la vie sexuelle, l’idéal jamais atteint de toute satisfaction sexuelle ultérieure, idéal auquel l’imagination aspire dans des moments de grand besoin et de grande privation » dit Freud. Le sein maternel, premier objet à sucer qui forme « le premier objet de l’instinct sexuel », détermine en grande partie tous les choix ultérieurs d’objets sexuels, y compris chez les pervers. Il trouve d’innombrables substituts dans l’imagination humaine. Mais le sein de sa mère n’étant pas toujours disponible, l’enfant le remplace par certaines parties de son corps : il suce son pouce ! L’enfant d’une façon générale trouve une satisfaction sexuelle à son propre corps, son attitude est auto-érotique. Tel est le stade oral ; il s’étend de la naissance au sevrage.
Le stade sadique-anal (1-3 ans) :
Le second moment du développement de la sexualité infantile se rattache aux besoins non plus de nourriture, mais d’évacuation (urination et défécation)... « L’élimination de l’urine et du contenu intestinal est pour le nourrisson une source de jouissance et il s’efforce bientôt d’organiser ces actions de façon qu’elles lui procurent le maximum de plaisir, grâce à des excitations correspondantes des zones érogènes des muqueuses ». Or la société, la mère interdisent à l’enfant de se débarrasser de ses excrétions quand et comme il veut. L’enfant apprend à contrôler ses excrétions (on parle en psychanalyse, de la maîtrise des sphincters) et à les émettre au moment où le parent le lui demande. Il découvre ainsi son pouvoir propre. Il peut récompenser sa mère ou non. Et ce « cadeau » qu’il lui fera sera assimilé plus tard, lorsque l’éducation lui aura enlevé la fierté qu’il attache à ces fonctions, à tous les autres cadeaux qu’il pourra faire, à l’argent, qu’il pourra donner ou conserver pour lui. Certains traits de caractère, comme l’entêtement, l’avarice, l’esprit d’ordre, dérivent de cette organisation anale. À cette même époque (entre 1 et 3 ans) se développe une tendance à la domination et à la cruauté. C’est le stade sadique-anal. Très tôt, l’enfant découvre le plaisir qu’il peut tirer de ses sphincters qui ne sont pas encore perçus comme « organes sexuels », mais qui sont chargés de ressources érogènes. Cet onanisme d’abord inconscient de la petite enfance se maintient, grâce à l’auto-érotisme, souvent bien au-delà de la puberté.
Le complexe de castration (3-5 ans) :
Une autre caractéristique de la sexualité infantile qui joue un rôle important dans la formation des névroses est la curiosité sexuelle, qui est très vive, parfois avant la troisième année. L’enfant ignore longtemps les différences qui séparent les sexes. Il attribue, surtout le petit garçon, les mêmes organes génitaux, ceux du sexe masculin, aux deux sexes. Quand il découvre l’absence du pénis chez la fillette, il pense (il ne pense pas encore de manière rationnelle, mais plutôt d’une manière affective, en termes de « récompense »/ « punition » : si je fais bien, je suis récompensé(e), si je fais mal je suis puni(e)) que seul un acte de violence a pu la priver d’un organe auquel il confère une telle importance. Il se souvient de certaines menaces qui lui ont été adressées lorsqu’il portait trop d’attention à son pénis. Il redoute de subir le même châtiment. D’où le « complexe de castration », qui exerce une grande influence sur le caractère de l’homme normal comme du névrosé. Par complexe Freud désigne un ensemble de représentations à forte valeur affective lié aux relations interpersonnelles dans l’histoire de l’enfant. Un complexe peut structurer tous les niveaux psychologiques, depuis les émotions jusqu’aux conduites organisées. Le petit garçon une fois convaincu que la femme n’a jamais possédé de pénis peut en concevoir un mépris pour l’autre sexe qui est parfois durable. Quant à la petite fille, elle envie le garçon de posséder cet organe. D’où le désir chez elle d’être un homme... « Ce désir se trouve plus tard impliqué dans la névrose provoquée par les échecs qu’elle a éprouvés dans l’accomplissement de sa mission de femme ». Le clitoris joue d’ailleurs chez la petite fille le rôle du pénis. La plupart de ces événements psychiques d’enfance seront oubliés à la faveur d’une période d’arrêt dans le développement sexuel qui se situe entre la septième et la huitième année : la période de latence. Freud pense que la raison de cet oubli ou amnésie infantile réside dans le refoulement.
Le complexe d’Œdipe (5-7 ans) :
Le stade qui précède immédiatement la période de latence est marqué par un événement d’une importance capitale : le complexe d’Œdipe. Dans le complexe d’Œdipe ce n’est pas l’instinct sexuel mais l’amour qui occupe le premier plan. Les éléments sensuels ou corporels de la libido sont plus ou moins refoulés. Le petit garçon est amoureux de sa mère et par jalousie déteste son père. Il aspire à la posséder pour lui tout seul, se réjouissant de l’absence de son père, boudant quand il le voit témoigner à sa mère quelque tendresse. Il exprime souvent de tels sentiments à haute voix ; il promet à sa mère de l’épouser ; il insiste pour dormir à côté d’elle, pour assister à sa toilette... « La nature érotique de l’attachement à la mère paraît hors de doute ». Pourquoi ? Parce que la mère en prodiguant les mêmes soins à la petite fille n’obtient pas de semblables effets. D’autre part, l’argument suivant lequel le petit garçon serait poussé non par la sexualité mais par l’égoïsme ne suffit pas à expliquer un tel attachement. En effet l’enfant pourrait obtenir davantage, du seul point de vue égoïste, s’il s’attachait aux deux parents plutôt qu’à un seul. Au contraire le petit garçon ne manifeste pas les mêmes sentiments tendres à l’égard de son père. Il voudrait plutôt l’éliminer comme un concurrent encombrant. Mais quelquefois on voit des petits garçons faire preuve de beaucoup de tendresse à l’égard de leur père. C’est là ce que Freud appelle l’ambivalence, c’est-à-dire la coexistence d’attitudes sentimentales opposées, amicales et hostiles (amour/haine, tendresse/antipathie) envers une même personne. Ces attitudes opposées entreraient en conflit chez l’adulte, mais elles se concilient chez l’enfant de même que dans l’inconscient. On retrouve ainsi chez l’enfant la logique du rêve. L’attitude de la petite fille est, à quelques modifications près (elle s’éloigne ; moins de la mère que le garçon du père), absolument identique. Le complexe d’Œdipe peut devenir un « complexe familial » lors de la venue de nouveaux frères ou sœurs, qui semblent capter toute l’attention de la mère ou du père. En effet l’enfant éprouve le sentiment d’être délaissé, en tout cas rejeté au second plan. Sa jalousie va jusqu’au désir ouvertement exprimé de voir disparaître l’intrus. Si par hasard ce souhait se réalise, ou même s’il ne se réalise pas, l’enfant devenu adulte en garde souvent un sentiment profond de culpabilité. Mais il y a bien d’autres formes du complexe familial : on voit la petite fille par exemple substituer son frère aîné à son père ou substituer sa sœur plus jeune à l’enfant qu’elle aurait souhaité du père.
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