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Leçon 6 : approche de la Seconde leçon sur la psychanalyse (les Topiques freudiennes) de Sigmund Freud. Première étape : qu'est-ce qu'une Topique ? (Cliquez sur ce lien !)

Le noyau de la théorie psychanalytique : les « topiques »

 

   Lecture de la Seconde leçon sur la psychanalyse tirée des Cinq leçons sur la psychanalyse de Freud, coll. P.B.P. n°1.

 

   Problématiques :

-          Peut-il y avoir une science de l’Inconscient ?

-          Normalité et maladie (« normal » et « pathologique ») : la frontière est-elle si étanche ? Freud donne raison à Pascal, lorsque ce dernier dit, dans les Pensées (Pensée 414) : « Nous sommes si nécessairement fous, que ce serait être fous par un autre tour de folie que de ne l’être pas. »

 

 

   Avant de travailler l’explication de cette Seconde leçon de Freud, qui est certainement la plus « technique », la plus aride, mais il faut s’y attaquer quand même, lisez-là sur l’œuvre numérique ci-jointe (ou dans votre version papier !).

 

   Freud lui-même termine sa seconde conférence en ces termes : « Je m’excuse de n’avoir pas décrit de façon plus claire et plus compréhensible les principaux points de vue de la méthode traitement appelée maintenant psychanalyse. » Cela tient-il à la difficulté théorique du propos, à la nouveauté totale de sa théorie, dont il pressent que certains refuseront délibérément de la comprendre - parce qu’elle peut être trop dérangeante et/ou trop révolutionnaire - ou à la nature « scientifiquement » insaisissable des « objets » en jeu dans cette théorie, à savoir : la conscience, l’inconscient (on met souvent une majuscule à la notion d’Inconscient, afin de distinguer son emploi par Freud, par opposition à son usage ordinaire), les pulsions, le psychisme en général, autant de dimensions de l’être humain qui s’offrent moins à l’observation et à la manipulation expérimentale que les différentes régions du corps, que les organes dont s’occupe le médecin physiologiste ou le chirurgien. C’est là une difficulté pour Freud : élaborer une science expérimentale rigoureuse (laquelle, rappelons-le, exige l’articulation de trois étapes majeures : l’observation, l’hypothèse et l’expérimentation [cf. Claude Bernard, Introduction à la médecine expérimentale]) sur la base d’ «objets» immatériels et, en l’occurrence l’Inconscient, pivot central de la psychanalyse. Certains ne manqueront d’ailleurs pas - on le verra par la suite – de nier l’existence de cet Inconscient - Sartre n’y verra qu’une forme de la mauvaise foi – ou même d’en réfuter l’hypothèse que Freud va pourtant savamment élaborer des années durant.

 

   Mais la place n’est pas pour le moment aux réfutations. Il s’agit d’abord de comprendre l’armature de cette théorie, avant de se prononcer sur sa valeur. On disait donc que les « objets » de la psychanalyse et, en l’occurrence, l’Inconscient, ne pouvaient guère se prêter à une approche expérimentale directe : aucun scanner ne permet d’identifier, ni même de localiser le siège de la conscience, de l’Inconscient dans le cerveau, et pourtant qui pourrait nier que la « conscience » existe, par exemple. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’existence, d’expression matérielle de la « conscience » que, pour autant celle-ci n’existe pas. De même pour l’Inconscient.

 

   Comment alors parler de ces réalités psychiques immatérielles ? Par métaphore, de façon « topique » (« topos » en grec, signifie le « lieu », topographie, utopie …). On ne peut évoquer l’Inconscient qu’en le représentant dans l’espace, sur le mode du « comme si… », comme s’il y avait des lieux psychiques. Si vous avez lu cette Seconde leçon de Freud, vous avez dû noter qu’il consacre le plus clair de son propos à filer une longue comparaison : « représentons-nous l’Inconscient comme cette vaste salle de conférence … » Voici un autre texte de Freud qui procède à une représentation « topique » du psychisme :

   « Nous assimilons donc le système de l'inconscient à une grande antichambre dans laquelle les tendances psychiques se pressent, tels des êtres vivants. À cette antichambre est attenante une autre pièce, plus étroite, une sorte de salon, dans lequel séjourne la conscience. Mais à l'entrée de l'antichambre, dans le salon veille un gardien qui inspecte chaque tendance psychique, lui impose la censure et l'empêche d'entrer au salon si elle lui déplaît. Que le gardien renvoie une tendance donnée dès le seuil ou qu'il lui fasse repasser le seuil après qu'elle a pénétré dans le salon, la différence n'est pas bien grande et le résultat est à peu près le même. Tout dépend du degré de sa vigilance et de sa perspicacité.

Cette image a pour nous cet avantage qu'elle nous permet de développer notre nomenclature. Les tendances qui se trouvent dans l'antichambre réservée à l'inconscient échappent au regard du conscient qui séjourne dans la pièce voisine. Elles sont donc tout d'abord inconscientes. Lorsque, après avoir pénétré jusqu'au seuil, elles sont renvoyées par le gardien, c'est qu'elles sont incapables de devenir conscientes : nous disons alors qu'elles sont refoulées. Mais les tendances auxquelles le gardien a permis de franchir le seuil ne sont pas devenues pour cela nécessairement conscientes; elles peuvent le devenir si elles réussissent à attirer sur elles le regard de la conscience. Nous appellerons donc cette deuxième pièce : système de la préconscience. Le fait pour un processus de devenir conscient garde ainsi son sens purement descriptif. L'essence du refoulement consiste en ce qu'une tendance donnée est empêchée par le gardien de pénétrer de l'inconscient dans le préconscient. Et c'est le gardien qui nous apparaît sous la forme d'une résistance, lorsque nous essayons, par le traitement analytique, de mettre fin au refoulement. »

Introduction à la psychanalysetrad. S. Jankélévitch.

 

   La comparaison est volontairement grossière, afin qu’on ne se méprenne pas : il s’agit bien d’une représentation et non pas de la réalité. Mais cette représentation est nécessaire pour la compréhension. Tout cela n’est pas très scientifique, me diriez-vous ? Soit ! Mais regardons une autre science : l’astrophysique, beaucoup plus sérieuse a priori et la théorie du Big-Bang.

   Le terme de « Big-Bang » a été inventé dans les années 1950 (au cours d'un programme de la BBC) par l'astrophysicien anglais Fred Hoyle pour désigner avec ironie le concept "d'explosion originelle" introduit dans le modèle cosmologique initialement développé dans les années 1920 par l'astrophysicien belge Georges Lemaître et le physicien russe Alexander Friedmann. Il n’est pas certain, pourtant, que la représentation que l’on se fait d’une « explosion » corresponde à ce qui a eu lieu à l’ « instant t » de la création de notre Univers infini et en expansion.

 

   Tout cela pour dire que les scientifiques ne sont pas avares de métaphores, lesquelles sont elles-mêmes nécessaires au processus de notre intelligence, pour que celle-ci « réalise », c’est-à-dire se construise une certaine représentation du réel.

 

   Voici donc pourquoi Freud emploie le terme de « topique(s)» pour désigner l’armature théorique de sa théorie psychanalytique, « une représentation dans l’espace, du psychisme et des différents « lieux » psychiques qui le constituent : Inconscient, Préconscient et Conscient pour la Première Topique élaborée en 1900 (L’Interprétation des rêves, 1900) et le Ça, le Moi et le Surmoi pour la Seconde Topique élaborée en 1923 (dans Le Moi et le Ça, P.B.P., 1923) ».

 

   Arrêtons-nous-là provisoirement, pour vous laisser le temps de vous imprégner de ce que l’on appelle une « topique ». La leçon suivante arrivera incessamment sous peu. Bonne continuation !

   La leçon suivante portera sur la notion d’Inconscient, précisément, puis, plus loin, nous décrirons ces deux topiques que je viens d’énoncer.



26/03/2020
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