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Leçon 9 : Résumé et analyse de la I° section du "Supplément au voyage ..." de Diderot (Cliquez sur le lien !)

II/ De l’Histoire à la littérature :

   Approche de l'œuvre et de quelques textes du Supplément au Voyage de Bougainville de Denis Diderot.

 

Supplément 2.jpg

 

Fiche de lecture sur le

Supplément au voyage de Bougainville de Denis Diderot (1772)

En lien avec le traitement le second thème de la spécialité Humanités, littérature et philosophie :

Les représentations du monde : l’autre et l’ailleurs.

 

Résumé global :  

 

   L’œuvre se présente comme un dialogue entre deux personnages anonymes : A et B, au sujet du voyage autour du monde de Bougainville. La conversation s'engage un jour de brouillard. La lecture d'un « Supplément » au récit de Bougainville que B a entre les mains, sert de point de départ à une comparaison entre les mœurs des Tahitiens et celle des Européens.

 

   L’œuvre se décompose en cinq temps, qui ne suivent pas l'ordre chronologique de la découverte de Tahiti. Après la première section, le « Jugement du voyage de Bougainville », la deuxième section livre au lecteur « Les adieux du vieillard » prononcés au moment où Bougainville et son équipage quittent l’île. Puis la troisième et la quatrième sections reviennent en arrière pour présenter l' « Entretien de l'aumônier et d’Orou » qui se situe au moment de l'arrivée des voyageurs français. Enfin la cinquième section donne la « Suite du dialogue entre A et B », sur laquelle s'achève l’œuvre.

 

   La composition du texte suit donc plutôt l'ordre logique de la discussion. Afin de vaincre les doutes de A, B va avancer la double argumentation du discours anticolonialiste du vieux Tahitien et celle de l’entretien antichrétien entre l’aumônier de l'équipage et son hôte Orou. À l'issue de ce parcours critique, il est alors possible à B de conclure : plutôt que de changer les lois, il est plus prudent de s'y soumettre en attendant qu’on les réforme. Et le brouillard se dissipe alors, comme un symbole de la pensée qui s'éclaire.

 

Supplément 3.jpg

 

Approfondissement de l’analyse de ces cinq sections de l’œuvre :

 

1/ «Jugement du voyage de Bougainville » :

 

Résumé :

 

   En attendant que le brouillard se lève, B lit le récit de voyage de Bougainville. Il fait part de sa lecture à A qui l’interroge. Ce mathématicien, explique-t-il, a affronté les périls de la mer pour faire le tour du monde.  Il a ainsi contribué au progrès des connaissances géographiques. Il a aussi observé des « choses singulières », telles que l'anthropophagie, l’infibulation des femelles (opération empêchant les jeunes filles pré-pubères d’avoir des relations sexuelles trop tôt) et les géants Patagon. Mais la plus grande curiosité est sans doute le jeune tahitien Aotourou que Bougainville a ramené en France.

   Les doutes exprimés par A devant ces  « merveilles » poussent B à lui communiquer le « Supplément » qui a été ajouté au Voyage de Bougainville. Ce qui suit est donc donné pour le texte du « Supplément », que A et B parcourent ensemble en le commentant.

 

Analyse :

 

   L’admiration de Diderot perce derrière ce portrait élogieux que B fait de Bougainville. Ce navigateur possède les qualités d'un homme des Lumières : la sociabilité, le désir de s'éclairer, la connaissance des sciences et surtout de la philosophie. Cette image idéalisée que l'auteur donne de lui par l'intermédiaire de son personnage B garantit l’authenticité de son témoignage et se met au service, de cette manière, de l’idéal de « progrès » dont se réclament les Lumières.

 

   En faisant énumérer par B les « choses singulières » que Bougainville a rapportées dans son récit de voyage, Diderot répond d'abord au goût du lecteur de son époque pour l’exotisme. Certes l'anthropophagie, le sacrifice des enfants, la castration des mâles, l'infibulation des femelles ne sont pas dissimulées. Diderot cède néanmoins au « mythe du bon sauvage » qui plaît beaucoup à cette époque (songeons à Rousseau qui l’exploite abondamment dans le Discours sur l’inégalité parmi les hommes) inventant la douceur des géants Patagons et en brossant un portrait positif du jeune Aotourou,  ramené en France par Bougainville. Il se dégage de cette description une image idéalisée de Tahiti, présentée comme la seule contrée qui ait donné à B (Diderot lui-même, vraisemblablement !) l'envie de vivre ailleurs que chez lui.

 

   Les notions scientifiques précises sur la formation du brouillard qui ouvrent l’œuvre révèlent les préoccupations scientifiques du directeur de l'Encyclopédie (on parle de Denis Diderot, bien sûr !). Elles possèdent en outre une valeur symbolique : ce brouillard épais qui empêche les personnages de voir les arbres voisins figure l’obscurcissement de leur esprit au début de l'échange verbal. C'est seulement à la fin de la discussion sur le « Voyage de Bougainville » que le brouillard retombe. Alors « l'azur du ciel commence à paraître ». Autrement dit, les interlocuteurs y voient plus clair sur la question des sauvages. Mais le voile ne sera totalement levé qu ’à la fin de l’œuvre.



12/05/2021
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