Mémento de philosophie
Mémento de philosophie
À connaître : quelques outils de base de la culture philosophique :
- Les grands courants de pensée philosophique.
- Les citations philosophiques à connaître.
- Vocabulaire grec utilisé en philosophie.
- Lexique des concepts à maîtriser.
Les grands courants de pensée philosophique.
Le platonisme :
On appelle ainsi la philosophie de Platon et celle de ses disciples, c’est-à-dire la philosophie qui considère que le vrai monde, le monde réel est celui des Idées absolues (on parle alors d’ « idéalisme », voire de « réalisme des Idées »), par opposition au monde sensible (saisi par les sens), qui est conçu comme étant celui de l’ignorance et de l’illusion, comme n’étant autre que l’imitation (mimèsis) affaiblie du premier.
Si le platonisme peut encore nourrir certaines options philosophiques, on le retrouve néanmoins davantage dans le domaine mathématique au point de parler d’un « platonisme mathématique ». Beaucoup de mathématiciens pensent, en effet, que les objets mathématiques (une figure comme le cercle, un nombre, une fonction etc.) ne sont ni des abstractions tirées de la réalité empirique, ni des artifices inventés par l’esprit humain, mais des « êtres » véritables dotés d’une existence indépendante de l’intelligence humaine qui les pense et les travaille. Le mathématicien, d’ailleurs, parle moins d’inventer ses contenus que de les découvrir et une découverte suppose une préexistence : le mathématicien est aux prises avec des équations éternelles qui adviennent à lui.
Les Sophistes :
C’est Socrate, si l’on en croit Platon, qui a pris l’habitude de tailler une réputation peu enviable à ces premiers instituteurs de la démocratie - c’est ainsi qu’ils se concevaient, inaugurant dans le même mouvement, le métier de professeur, payé pour enseigner -, une réputation qui n’a d’ailleurs pas pris une ride encore aujourd’hui. Pour nous, un sophiste est un cynique qui se sert de son habileté à parler afin de faire passer pour vrai ce qui est faux et de persuader les naïfs qui l’écoutent. À l’opposé du vrai philosophe, le sophiste ne croit pas à ce qu’il dit, car il est capable de plaider le « contre » aussi bien que le « pour », n’hésitant pas à utiliser de faux raisonnements, justement appelés « sophismes ». Les sophistes connaissent bien les ressources du langage, mais en font un instrument au service du pouvoir de persuader, davantage qu’un instrument au service de la vérité.
L’hostilité de Platon qui condamne ce mépris de la vérité dont font preuve les sophistes, ainsi que leur prétention à un savoir exhaustif, total, à l’opposé de la docte ignorance socratique, va les desservir jusqu’à nos jours, car si, étymologiquement, le sophiste devait être un sage (« sophistès » en grec appartient à la même famille que « sophos », sage, qui a donné, notamment le mot « philosophe »), ce mot a fini par signifier « menteur », « trompeur », « manipulateur », « hypocrite ».
Pour aller au-delà de ce cliché - pas totalement infondé, au demeurant -, les sophistes influenceront, néanmoins, la postérité, voire certains courants philosophiques : l’Humanisme, d’abord. Protagoras, l’un des plus grands sophistes soutenait que « L’Homme est la mesure de toutes choses ». Et puis, on peut aller jusqu’à Nietzsche, « relativiste » s’il en est : « Il n’y a pas de vérité, il n’y a que des interprétations ».
Les cyniques :
Aujourd’hui, un cynique est un homme d’État ou un milliardaire ou … quelqu’un, d’une manière générale qui bénéficie de l’impunité que lui valent le pouvoir et l’argent.
Dans l’Antiquité, les cyniques se trouvaient de l’autre côté de la hiérarchie sociale : des hommes libres, vivant parfois à la manière des SDF d’aujourd’hui, comme Antisthène ou Diogène le bien nommé (le Cynique, le Chien), et qui adressaient aux riches et aux puissants de leur époque un regard et des paroles sans concession. Songeons à la réplique de Diogène à l’endroit d’Alexandre le Grand : « Ôte-toi de mon soleil ! ».
Proches des sophistes en ceci, les cyniques dénonçaient le caractère relatif, conventionnel des lois et des coutumes auxquelles les hommes obéissent et leur vaine prétention à l’absolu ou à une quelconque légitimité naturelle. Diogène se moquera d’ailleurs ouvertement de Platon, cherchant à la lueur de sa lanterne l’Homme avec un grand H, l’ « eidos » d’Homme désespérément introuvable. Enfin, les cyniques se disaient « citoyens du monde » et non d’une quelconque cité, fût-elle Athènes, se prenant pour davantage qu’elle n’était, à leurs yeux. Diogène inventera vraisemblablement le terme de « cosmopolitisme ».
Le scepticisme :
Inauguré par le Grec Pyrrhon dans l’Antiquité, le scepticisme est une école philosophique qui a eu plusieurs représentants à travers l’histoire de la pensée, dont Montaigne à la Renaissance. Le scepticisme ne croit ni au caractère absolu de la « vérité », ni au caractère objectif - ontologique - du « bien ». Il représente un relativisme radical : à chacun son point de vue, rien ne peut départager le vrai du faux, ni, du reste, le bien du mal.
L’opposé du scepticisme est le dogmatisme - lequel pense à l’inverse pouvoir établir des critères objectifs, stables, voire « ontologiques » [dotés d’un réel degré d’ »être »], du vrai et du faux d’un côté, du bien et du mal, de l’autre.
L’épicurisme :
Cette école doit son nom au philosophe grec Épicure, dont l’idée principale est que le bonheur réside dans le plaisir. On appelle hédonisme la philosophie qui, comme l’épicurisme, définit le bonheur par le plaisir.
N’allons toutefois pas imaginer qu’Épicure se perdait dans le plaisir et la débauche, à la manière des libertins du XVIII° siècle (le Marquis de Sade …), par exemple. Il menait une vie simple et considérait que le plus grand plaisir résultait de la tranquillité (« de l’âme », l’ataraxie et « du corps », l’aponie). Il distinguait, du reste, trois sortes de plaisirs :
- Les naturels et nécessaires (boire quand on a soif, par exemple…) : ceux-ci, il faut les satisfaire.
- Les naturels, mais non nécessaires (boire une boisson de choix (bière, vin …), par exemple) pour se faire plaisir tout en se désaltérant.
- Les non naturels et non nécessaires (boire encore quand on n’a plus soif) : ceux-là, le sage doit s’en abstenir.
L’épicurisme est une sagesse tranquille. Le bonheur qu’il propose est à l’opposé de l’agitation (encore une fois … ataraxie, aponie, absence de troubles de l’âme comme du corps).
Du point de vue de son arrière-plan théorique, l’épicurisme est un matérialisme, non parce qu’il prône le plaisir, mais parce que, selon lui, toute réalité est matérielle. Pour Épicure, comme pour son disciple latin, Lucrèce, les terreurs religieuses, en particulier, sont ce qu’il y a de plus opposé à l’idéal de sagesse. L’âme est matérielle comme le corps, à ceci près qu’elle est composée d’atomes subtils. Dès lors, il n’y a ni dieu(x) ni au-delà à craindre. Dans son poème De la nature (De natura rerum, en latin), Lucrèce dénonce comme des superstitions toutes les peurs que la religion introduit dans l’esprit des hommes : la mort est naturelle, les tremblements de terre et les éclipses sont naturels, les connaître tels qu’ils sont, c’est apprendre à ne plus les redouter.
Le stoïcisme :
Ce courant philosophique est l’un des principaux de l’Antiquité grecque et romaine. Il a été illustré principalement par deux hommes qui ont vécu aux deux extrêmes de l’échelle sociale : Épictète qui fut esclave et Marc-Aurèle, empereur.
Ce sont les stoïciens qui, les premiers, définirent leur philosophie comme un système, c’est-à-dire comme un ensemble ordonné de pensées traduisant la totalité du réel.
La philosophie stoïcienne comprend donc : une LOGIQUE, qui donne les règles du raisonnement, une PHYSIQUE, qui rend compte de l’ordre de l’univers et une ÉTHIQUE, qui délivre les règles de la vie bonne.
Le stoïcisme est un panthéisme : il considère que l’univers matériel est de nature divine et rationnelle (Cosmos) et, à ce titre, il se distingue de la conception platonicienne selon laquelle il y a deux mondes : celui du ciel (des Idées) et des âmes, pour faire vite, et celui de la Terre (sensible) et des corps. L’éthique consiste à se conformer à cet ordre universel : la sagesse et le bonheur sont définis comme absence de passions, l’apathie ; succomber aux passions, entraînant l’hybris, la démesure, l’inadéquation avec le Cosmos. De là l’injonction de « suivre la nature » ou, en d’autres termes, se régler sur l’ordre cosmique. Le stoïcisme est donc, sur le plan moral, une sorte de fatalisme. Mais aussi une sorte de volontarisme : aujourd’hui, nous disons encore « supporter stoïquement la douleur ». Le stoïcisme renvoie à l’idée d’un effort réalisé sur soi, d’une maîtrise de soi, même dans la souffrance.
La grande idée morale du stoïcisme est la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Ne dépend pas de nous tout ce qui nous arrive de l’extérieur : l’état de notre corps (maladies, douleurs, mort), notre situation sociale… ; dépendent de nous nos représentations, nos peurs, nos pensées. Ce qui trouble les hommes, disait Épictète, ce ne sont pas les choses mais les idées qu’ils se font des choses. Ainsi, la mort n’a rien de terrible en elle-même, mais l’idée que nous en avons, en revanche, est terrible. Sur ce point, le stoïcisme et l’épicurisme se rejoignent : les hommes tendent à être malheureux (à ne pas atteindre ni l’ataraxie, ni l’aponie (voir plus haut)) à cause du coefficient d’adversité qu’ils prêtent aux choses, c’est-à-dire à l’importance imaginaire et émotionnelle qu’ils leur attribuent.
L’humanisme :
« L'Homme est la mesure de toute chose. » Protagoras (- 485-410 avant JC).
L'humanisme (classique) est un mouvement de pensée qui s'est développé en Italie pendant la Renaissance, en réaction au dogmatisme rigide du Moyen Age. Il propose de renouer avec les valeurs, la philosophie, la littérature et l'art de l'Antiquité classique qu'il considère comme le fondement de la connaissance.
Les humanistes de la Renaissance sont des érudits qui ont soif de savoir. Ils affirment leur foi dans l'être humain qu'ils mettent au centre de leurs préoccupations et dont ils recherchent l'épanouissement. L'humanisme propose de nouvelles valeurs fondées sur la raison et le libre arbitre. Grâce à l'invention de l'imprimerie, il s'est développé dans toute l'Europe et a notamment donné naissance à la Réforme. Le mot humanisme est apparu durant la seconde moitié du XIXe siècle. Quelques humanistes : Pétrarque (1304-1374), Boccace (1313-1375), Léonard de Vinci (1452- 1519), Jean Pic de la Mirandole (1463-1494), Érasme (v. 1466-1536), Guillaume Budé (1467-1540), Thomas More (1478-1535)...
Par extension, dans son sens moderne, l'humanisme désigne tout mouvement de pensée idéaliste et optimiste qui place l'homme au-dessus de tout, qui a pour objectif son épanouissement et qui a confiance dans sa capacité à évoluer de manière positive. L'homme doit se protéger de tout asservissement et de tout ce qui fait obstacle au développement de l'esprit. Il doit se construire indépendamment de toute référence surnaturelle.
Le rationalisme :
Ce terme vient, étymologiquement, du latin « rationalis », fondé sur le raisonnement, lui-même issu de « ratio », calcul, raison, raisonnement. Le rationalisme est un mode de pensée philosophique (chez Platon, Aristote, Descartes, Leibniz, Kant, etc. ) selon lequel la raison est la seule source de connaissance. Tout ce qui existe a sa raison d'être et, de ce fait, peut être intelligible (susceptible d’être intégralement compris par la pensée rationnelle, l’entendement). Le rationalisme rejette toute explication métaphysique et s'oppose au mysticisme, au spiritualisme.
Une autre forme du rationalisme philosophique considère que toute connaissance certaine découle de principes a priori, universels et nécessaires (le Cogito chez Descartes, les catégories de l’entendement et de la sensibilité chez Kant … Ces catégories sont des formes ou cadres universels nécessaires de l’entendement et de la sensibilité, pour saisir les phénomènes). Cette doctrine s'oppose à l'empirisme.
Par extension, le rationalisme est un mode de pensée selon lequel tout ce qui existe a une explication rationnelle et peut être décrit par la raison humaine. Il prône donc l'usage de la raison dans toutes les activités de connaissance.
Le rationalisme est aussi une attitude de l'esprit qui n'accorde de valeur ou de confiance qu'au raisonnement.
L’empirisme :
Ce terme provient, étymologiquement, du grec ancien « empeiria », expérience.
L'empirisme est une doctrine philosophique qui considère que l'origine de toute connaissances humaines ne provient que de l'expérience sensible, de l'observation. Ainsi nos sens sont à la source de nos connaissances. De l'accumulation d'observations et de faits mesurables, on peut en extraire des lois générales par un raisonnement inductif, allant du concret à l'abstrait.
Francis Bacon (1561-1626), John Locke (1632-1704) et David Hume (1711-1776) étaient des philosophes empiristes. L'empirisme s'oppose au rationalisme et à la théorie des idées innées dans notre esprit (innéisme). Il se méfie des théories et des argumentations, pour n'accepter que ce qui est réel, que ce qui se donne de manière phénoménale, c’est-à-dire à travers la perception. Par extension, on appelle "empirisme" toute méthode qui prétend ne s'appuyer que sur l'expérience, sur les données, sans recourir au raisonnement ou à la théorie. L'adjectif « empirique », quant à lui, qualifie ce qui ne se fonde que sur l'expérience, sans faire appel à la théorie.
Le réalisme :
Ce terme provient, étymologiquement, du bas latin « realis », relatif aux choses matérielles, dérivé de « res », « rei », objet, chose matérielle, corps, créature, réalité.
Au sens courant, le réalisme désigne la capacité à voir la réalité en face, l'aptitude à prendre en compte la réalité et les données d’une situation avant de prendre une décision ou d'agir.
En littérature, le réalisme est un courant qui cherche à décrire le monde et les hommes tels qu'ils sont, de manière objective et sans illusion, et non tels que l'imagination peut les idéaliser, les styliser, les épurer. Se démarquant du romantisme et de l'impressionnisme, il est apparu au XIX° siècle vers 1830.
Au sens philosophique : le réalisme des Idées est une doctrine philosophique dont Platon (427-347 avant JC) est l'un des fondateurs. Cette conception prétend que les êtres individuels et les apparences sensibles ne sont que le reflet des Idées qui, elles, sont les véritables réalités. Au Moyen Âge, avec Thomas d'Aquin, le réalisme postule que les notions générales (vérité, liberté, justice …) ou "universaux" ont une existence propre. Il s'oppose au conceptualisme et au nominalisme (les idées générales ne sont alors que des noms, des mots).
De nos jours, le réalisme philosophique considère que le monde extérieur dispose d'une existence propre qui est indépendante du sujet qui le perçoit. Il s'oppose à l'idéalisme.
L’idéalisme :
L'idéalisme est une attitude qui consiste à fonder son action ou sa conduite sur un idéal, c'est-à-dire un but élevé que l'on se propose d'atteindre. Un idéaliste est un adepte de l'idéalisme, quelqu'un qui fixe sa conduite sur un idéal ou qui se représente mal les conditions de la réalité.
En philosophie, l'idéalisme est une doctrine qui accorde un rôle prépondérant aux idées et pour laquelle il n'y a pas de réalité indépendamment de la pensée. Le monde réel n'existe qu'à travers les idées et les états de conscience. Le monde et même l'être se réduisent donc aux représentations que nous en avons. Pour Platon (427-347 avant JC), le monde des Idées constitue la vraie réalité. Descartes (1596-1650) qui peut être considéré comme un idéaliste, considère que c'est l'esprit de l'homme qui est sa véritable nature et non son corps.
Le mot "idéalisme" apparaît à la fin du XVIIe siècle par opposition au matérialisme. Le principe de l'idéalisme absolu a été résumé par l'évêque et philosophe irlandais George Berkeley (1685-1753) : "Être, c'est être perçu". L'idéalisme connaît son apogée avec les philosophes allemands Kant (1724-1804), Fichte (1762-1814) et Hegel (1770-1831). L'idéalisme s'oppose au réalisme pour lequel l'homme connaît les choses telles qu'elles sont réellement en elles-mêmes et qu'elles n'existent pas en dehors de leur matérialisation.
Le matérialisme :
Le matérialisme est un mouvement de pensée sur la nature de l'être qui considère qu'il n'existe pas d'autre substance que la matière (monisme). Il défend l'idée que la pensée et la conscience sont des produits secondaires de la matière et donc des illusions. Le matérialisme rejette l'existence de l'âme, de l'au-delà et de Dieu, s'opposant en cela au spiritualisme et à l'idéalisme.
Le matérialisme est étroitement lié au développement de la science et se nourrit de ses résultats pour évoluer et se structurer au fil des siècles. Le matérialisme recouvre donc plusieurs formes qui vont de l'atomisme des philosophes grecs (Démocrite, Épicure …) à la science moderne. Ses différents courants se distinguent par la façon dont est conçu l'esprit, la conscience ou l'entité mentale.
Selon le sens commun, le matérialisme désigne la manière de vivre, l'attitude, l'état d'esprit de ceux qui ne recherchent que des satisfactions ou des plaisirs matériels.
Le mécanisme :
Il s’agit de la conception selon laquelle l’organisme vivant n’est qu’une machine perfectionnée. La théorie défendue par Descartes de l’animal-machine est mécaniste : puisque l’animal est dépourvu d’âme, son corps n’est qu’une machine. Le mécanisme réduit la vie à un phénomène physico-chimique. Il s’oppose au vitalisme.
Le vitalisme :
C’est une conception selon laquelle l’organisme vivant n’est pas réductible à une machine. Seule une « force vitale » supérieure aux simples mécanismes physiques et chimiques peut expliquer les grandes fonctions du vivant (conception, développement, reproduction etc.). Il s’oppose au mécanisme.
Le libéralisme :
Il s’entend à la fois d’une philosophie et d’une idéologie de la liberté. Le philosophe anglais John Locke en est considéré comme le père fondateur. Opposé à l’absolutisme qui accordait au monarque le pouvoir absolu, le libéralisme est un individualisme : il considère que la liberté personnelle tant dans le domaine de la pensée (liberté d’opinion, liberté religieuse, etc.) que dans le domaine pratique (liberté du travail et du commerce) est la plus haute des valeurs.
Le libéralisme affirme la souveraineté de l’individu face aux pouvoirs des États et de l’Eglise. À partir du XIX° siècle, le libéralisme a reçu de sévères critiques par les courants socialiste et communiste, qui n’y reconnaissaient que le masque du capitalisme.
Les Lumières :
Cette expression désigne le grand courant d’idées qui a balayé l’Europe au XVIII° siècle et a constitué le passage entre l’âge classique et les temps modernes. Les Lumières sont considérées comme ayant préparé les révolutions de la fin du XVIII° et du XIX° siècles (la Révolution française étant, sans doute, la plus célèbre de ces révolutions)
Les Lumières accomplissent l’humanisme, apparu au XVI° siècle, à l’époque de la Renaissance. Elles tendent à mettre l’homme à la place de Dieu (les Droits de l’homme sont caractéristiques des Lumières et tirent les conséquences laïques du christianisme - la notion d’égalité étant une notion d’origine chrétienne, notamment). Elles inventent une philosophie de l’Histoire dans laquelle le progrès humain remplace la Providence divine. L’optimisme des Lumières s’étend à tous les domaines : politique (le régime républicain est appelé à dépasser le régime despotique), moral et intellectuel (l’instruction doit succéder à ce que les penseurs des Lumières estiment être l’obscurantisme clérical : de l’obscurité intellectuelle à la lumière …)
L’utilitarisme :
L'utilitarisme est un système de morale et d'éthique qui, faute de pouvoir définir objectivement ce que sont le Bien et le Mal, se propose d'en faire abstraction en établissant "l'utile" comme principe premier de l'action. Il considère que ce qui est utile est bon et que l'"utilité" peut être déterminée de manière rationnelle.
L'utilitarisme est fondé sur le seul critère de l'optimisation du "plus grand bonheur possible pour le plus grand nombre de personnes", postulant que le bien-être de tous est un bien pour l'ensemble des hommes. Il rejette le devoir comme notion première et mesure la qualité morale d'une action aux conséquences que l'on peut en attendre.
L'utilitarisme que l'on retrouve à l'état embryonnaire chez Épicure (341-270 avant JC), Sénèque (4-65), David Hume (1711-1776), Claude Adrien Helvétius (1715-1771), s'est surtout développé en Angleterre avec Jeremy Bentham (1748-1832) qui en est le père, John Stuart Mill (1806-1873).
La théorie de l'utilitarisme fut explicitée par Jeremy Bentham qui proposa de comparer de façon méthodique la valeur des plaisirs et d'augmenter le plus possible le bien-être de l'individu. John Stuart Mill, qui en a fait une véritable philosophie, met plus l'accent que Bentham sur l'aspect qualitatif du bonheur, comme les plaisirs de l'esprit, et prend davantage en compte l'écart qui existe entre le bonheur individuel et le bonheur public pour en faire une morale sociale. L'utilitarisme a fortement influencé les économistes du XIX° siècle.
Le pragmatisme :
Ce terme provient, étymologiquement, du grec « pragmatikos », qui concerne l'action de « pragma », action, affaire.
Dans le langage courant, le pragmatisme est l'attitude d'une personne qui s'adapte à la réalité et qui préfère l'action pratique. En politique, le pragmatisme est une attitude fondée sur le réalisme et qui privilégie l'observation des faits.
Philosophiquement, le pragmatisme est une doctrine ou un mode de pensée selon lequel la réussite pratique est le seul critère de vérité. C'est une forme d'empirisme qui valorise l'action, l'efficacité, l'expérience, la mise en pratique et ce qui fonctionne réellement plutôt que des considérations abstraites ou théoriques. Une idée ou une théorie ne peut être considérée comme vraie que si elle peut agir sur le réel.
Le pragmatisme s'est développé, essentiellement, aux États-Unis à la fin du XIXe siècle, avec Charles Sanders Peirce, William James et John Dewey. Pour eux, une pensée n'a de sens que par ses implications concrètes et les idées ne sont que des instruments de la pensée. La vérité n'existe pas a priori, mais se révèle progressivement par l'expérience.
La phénoménologie :
Ce terme provient, étymologiquement, de l'allemand « Phänomenologie », composé du grec « phainomenon », apparence, ce qui apparaît, dérivé de « phaineîn », apparaître et du suffixe –« logie », du grec « logos », étude, science, discours, parole.
En philosophie, la phénoménologie est l'étude d'un ensemble de phénomènes et de la façon dont ils apparaissent dans l'expérience sensible, en faisant abstraction de tout jugement de valeur. La perception des choses est réalisée au seul moyen de la conscience ou de la pensée.
Pour le philosophe allemand Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831), la phénoménologie est l'étude des idées qui apparaissent grâce à la perception sensible. Son ouvrage Phénoménologie de l'esprit (1807), la présente comme la « science de l'expérience de la conscience ». Elle est la « description de l'histoire de la conscience qui, par le mouvement dialectique, s'élève de la connaissance sensible à la pleine conscience d'elle-même, à la Raison et accède au savoir absolu ».
Pour Edmund Husserl (1859-1938), philosophe allemand considéré comme le fondateur de la phénoménologie en tant que courant philosophique, elle est une science rigoureuse, une « méthode qui propose un retour aux choses mêmes, à leur signification, en s'en tenant non aux mots, mais aux actes où se dévoile leur présence ».
Par extension, dans les sciences humaines, la phénoménologie est l'observation des faits de l'expérience vécue par un sujet, en s'affranchissant des principes ou des doctrines. Le chercheur tente de rendre compte de la réalité de son objet en évitant toute interprétation pour découvrir sa nature propre et les structures transcendantales (a priori) de sa conscience (la façon dont la conscience « travaille », structure et donne sens au réel).
L’existentialisme :
De manière générale, l'existentialisme désigne une philosophie qui place l'existence de l'homme au cœur de sa réflexion, par opposition à une philosophie abstraite, conceptuelle, essentielle (essentialisme).
L'existentialisme moderne est un courant de pensée philosophique et littéraire qui donne la primauté à l'existence vécue et individuelle, à la liberté de l'homme et à sa vocation à décider lui-même de sa propre existence. Il postule que chaque individu crée le sens et l'essence de sa vie par opposition à ce qui est créé pour eux par des doctrines toutes faites, théologiques, philosophiques ou morales. L'existentialisme considère l'homme comme un être unique et libre qui est responsable non seulement de ses actes et de son destin, mais également - pour le meilleur comme pour le pire - des valeurs qu'il décide d'adopter.
Le philosophe danois Søren Kierkegaard (1813-1855) est le premier à se qualifier d'existentialiste en affirmant que l'homme ne peut trouver le sens de sa vie qu'en découvrant sa propre et unique vocation : « Je dois trouver une vérité qui en soit une pour moi-même ; une idée pour laquelle je puisse vivre ou mourir. » On trouve déjà ici un embryon d’une philosophie de l’engagement.
Pour Jean-Paul Sartre (1905-1980), principal représentant de l'existentialisme en France, celui-ci s'énonce par le fait que « L'existence précède l'essence ». C'est-à-dire que l'existence vécue par l'homme précède son essence, sa nature propre, ce qui le constitue fondamentalement, avec comme conséquence de lui laisser la liberté et la responsabilité de ses choix. Son essence n'est pas déterminée par Dieu ou par une quelconque force transcendantale.
Les citations philosophiques à connaître.
Descartes : « Je pense, donc je suis » (le Cogito), Discours de la Méthode.
Socrate : « Connais-toi toi-même », Alcibiade.
Socrate : « Ce que je sais, c’est que je ne sais rien », Apologie de Socrate.
Kant : « Il faut apprendre à philosopher, et non pas la philosophie », Annonce du programme des leçons de M.E. Kant durant le semestre d'hiver.
Kant : « Que puis-je connaître ? - Que dois-je faire ? - Que suis-je permis d'espérer ? », Critique de la raison pure.
Kant : « Sapere Aude ! », « Aie le courage de te servir de ton entendement (Pense par toi-même !) », Réponse à la question : Qu'est-ce que les Lumières.
Nietzsche : « Deviens ce que tu es ! », Ainsi Parlait Zarathoustra.
Nietzsche : « Dieu est mort », Ainsi Parlait Zarathoustra.
Nietzsche : « L'homme est un pont, non une fin », Ainsi Parlait Zarathoustra.
Platon : « C'est la vraie marque d'un philosophe, que le sentiment d'émerveillement », Ménon.
Platon : « Nul n'est méchant volontairement », Gorgias.
Platon : « L'homme est la mesure de toute chose », Protagoras.
Aristote : « L'homme est un animal politique », La politique.
Aristote : « Le bonheur est une fin en soi », Éthique à Nicomaque.
Voltaire : « Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer », Épîtres.
Kierkegaard : « La vie n'est pas un problème à résoudre mais une réalité qui doit être vécue », Traité du désespoir.
Spinoza : « L'homme n'est pas un empire dans un empire », L'Éthique.
Locke : « La connaissance de l'homme ne peut pas s'étendre au-delà de son expérience propre », Essai sur l'entendement humain.
Marx : « Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde, nous avons maintenant à le transformer », Manifeste du Parti Communiste.
Hobbes : « L'homme est un loup pour l'homme, Homo homini lupus », Léviathan.
Épicure : « La mort n'est rien pour nous », Lettre à Ménécée.
Épicure : « Si tu n'es pas Socrate, tu dois vivre comme si tu voulais être Socrate », Lettre à Ménécée.
Hume : « L'ego est une fiction », Traité sur la nature humaine.
Hegel : « Rien de grand ne s'est fait dans le monde sans passion », La raison dans l'Histoire.
Sartre : « L'homme est condamné à être libre », L'existentialisme est un humanisme.
Pascal : « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible des roseaux, mais c'est un roseau pensant », Pensées.
Pascal : « Le cœur a ses raisons que la raison ignore (ne connaît point) », Pensées.
Leibniz : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », Monadologie.
Montesquieu : « La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent », De l'esprit des Lois.
Machiavel : « Tout n’est pas politique, mais la politique s’intéresse à tout », Le Prince.
Husserl : « Toute conscience est conscience de quelque chose », Méditations cartésiennes.
Tocqueville : « Les peuples veulent l’égalité dans la liberté et, s’ils ne peuvent l’obtenir, ils la veulent encore dans l’esclavage », De la Démocratie en Amérique.
Schopenhauer : « L'homme est un animal métaphysique », Le Monde comme volonté et comme représentation.
Schopenhauer : « La vie oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui », Le Monde comme volonté et comme représentation.
Épictète : « N’attends pas que les événements arrivent comme tu le souhaites ; décide de vouloir ce qui arrive et tu seras heureux », Manuel.
Heidegger : « Le Dasein est un être des lointains », Être et Temps.
De Beauvoir : « On ne naît pas femme, on le devient », Le Deuxième sexe.
Fichte : « L’homme (ainsi que tous les êtres finis en général) ne devient homme que parmi les hommes », La destination de l'homme.
Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », Pantagruel.
Alain : « L’effort qu’on fait pour être heureux n’est jamais perdu », Propos sur le bonheur.
Rousseau : « L'homme est né libre, et partout il est dans les fers », Du Contrat social.
Héraclite : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », Fragments.
Marc-Aurèle : « Souviens-toi que tout ce qui arrive, arrive justement. Tu le remarqueras, si tu observes avec exactitude », Pensées pour moi-même.
Sénèque : « Celui qui cherche la sagesse est un sage, celui qui croit l'avoir trouvée est un fou », De la brièveté de la vie.
Thomas d'Aquin : « Les passions ne sont en elles-mêmes ni bonnes ni mauvaises », Somme théologique.
Montaigne : « Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage », Essais.
Bergson : « Le rire est le propre de l'homme », Le rire.
Camus : « L'absurde, c'est la raison lucide qui constate ses limites », Le mythe de Sisyphe.
Camus : « Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie », Le mythe de Sisyphe.
Jankélévitch : « Si tout est permis, rien n’est permis », L’ironie.
Vocabulaire grec utilisé en philosophie :
Agathon : le Bien
Aïsthêsis : la sensation
Alêthéïa : la vérité
Anamnêsis : la réminiscence
Anankê : la nécessité
Andréia : le courage
Anthrôpos : l’homme
Apeïron : l’infini, l’indéterminé, l’informe
Archê : le principe
Arétê : la vertu
Athanasia : l’immortalité (thanatos : la mort)
Boulèsis : la volonté (boulê : la délibération)
Dêmiourgos : l’artisan, le démiurge
Dianoïa : la pensée discursive, qui se déploie dans l’argumentation rationnelle.
Dikaïosunê : la justice (dikê)
Doxa : l’opinion, opposée à l’épistêmê : la science
Dogma : doctrine, enseignement (dogmatikos, doctrinal, opposé à skeptikos, sceptique)
Dunamis, dynamis : la puissance, la capacité
Éïdos : l’essence, l’idée, la forme
Éïkôn : l’image, l’icône.
Empeïria : l’expérience, l’empirisme
Énergéïa : l’acte
Épistêmê : la science
Épithumia : le désir
Épochê : la suspension (du jugement), la mise entre parenthèses provisoire d’un jugement.
Eudaïmonia : le bonheur, l’eudémonisme.
Génésis : la génération
Gnôsis : la connaissance
Gnôthi sauton : « Connais-toi toi-même »
Hêdonê : le plaisir
Holon : le tout, l’Univers (hén : l’unité) Hulê, hylê : la matière
Hypokeïménon : la substance, le substrat (ce qui est en-dessous et qui supporte tout le reste)
Kalon : la beauté
Kakon : le mal, kakos, le méchant
Katêgoria : la catégorie. (katégoréô : j’affirme, j’accuse, je porte plainte)
Katholou : l’universel, le général
Kénon : le vide
Kinêsis : le mouvement
Krisis : le jugement
Mania : le délire
Mathêma : le savoir
Métaxu : le milieu, l’intermédiaire
Métabolê : le changement (ballo : je lance, métaballo, je déplace)
Morphê : la forme
Muthos, mythos : le mythe
Noèsis : la pensée intuitive (la saisie immédiate de la vérité pleine et entière : logique, esthétique et éthique : vrai/beau/bien)
Nomos : la loi
Oïkos : la famille
On : l’être (ontos, génitif, ontologie ...)
Ousia : la substance, l’être, l’essence
Pän : le tout
Pathos : la passion
Phantasia : l’imagination
Phusis, physis : la nature
Pistis : la croyance
Poïêsis : la fabrication
Polis : la cité
Politéia : l’État, la république, la constitution
Prâxis : l’action
Psuchê, psychê : l’âme
Sôma : le corps
Sophia : la sagesse
Stasis : le repos
Technê : l’art
Télos : la fin
Thanatos : la mort
Théion : le Divin
Théôria : la contemplation
Thumos : le cœur
Topos : le lieu
Lexique des concepts (repères) à maîtriser :
Absolu/relatif :
Est absolu ce qui ne se rapporte qu'à soi, qui ne dépend que de soi. Parfait et complet, il est souvent présenté comme le terme d’une quête de connaissance. Dieu en est le modèle. Par opposition, est relatif ce qui est par nature dépendant d'une réalité autre que la sienne propre. Par exemple, la valeur d’une connaissance scientifique ou pratique est relative aux principes qui en définissent les conditions et les limites.
Abstrait/concret :
Est concret ce qui est donné immédiatement dans l'expérience, ce qui est appréhendé comme un donné brut par les organes sensoriels. Abstraire, c'est dégager l'essentiel de l'accessoire. C'est l'acte du langage et de la pensée (passer de la perception à la pensée), puisque penser, c'est prendre des distances vis-à-vis de ce qui s'impose à nos sens pour aller à l'essentiel, déterminer la définition fondamentale des choses.
Analyse/synthèse :
L’analyse est un procédé de décomposition en unités élémentaires. L'analyse désigne ainsi une démarche intellectuelle qui va de l’essence à ses propriétés, du tout à ses parties. Dans une proposition analytique, on dit que le prédicat (qui qualifie un objet, en l’occurrence le sujet de la proposition) est contenu dans le sujet : ex. : « Tous les triangles ont trois côtés », le prédicat « trois côtés » est inclus dans le sujet, le « triangle ». Inversement, la synthèse réunit, rassemble des éléments ou encore reconstruit l'ensemble. Dans une proposition synthétique, un principe extérieur au sujet permet de lui associer le prédicat qui le qualifie : ex. : « Tous les corps sont lourds » : le prédicat « lourd(s) renvoyant au poids et non à la masse et donc à la force gravitationnelle (poids = masse X g) est extérieur au sujet « les corps ».
Cause/fin :
Aristote distingue quatre types de causes :
- la cause matérielle, par exemple les éléments qui constituent une maison : brique, ciment…
- la cause efficiente, ici les maçons, ouvriers, les forces qui produisent la construction …
- la cause formelle, c’est-à-dire l’aspect, voire le schéma selon lequel le bâtiment est conçu, à savoir le schéma duquel il procède, plus précisément le plan dessiné par l’architecte …
- la cause finale, à savoir l’usage auquel est destinée la maison, en général l’habitation …
La science mécaniste à partir du XVII° siècle (ex. : l’animal machine de René Descartes) ne procède à d’explication, qu’à partir des causes efficientes, antécédentes à leurs effets (le « comment » d’un phénomène). Toutefois, l'étude du vivant a pu contraindre à recourir, pour la compréhension des phénomènes observés, à la finalité (le « pourquoi » d’un phénomène) : le vivant est orienté vers un but : la « vie ». La fin désigne d’une part la cessation d’un phénomène dans le temps (« das Ende », « the end »), d’autre part le but visé par une action (« der Zweck », « the aim ») ; en ce second sens, elle peut donc être assimilée à la cause finale.
Contingent/nécessaire/possible :
Est nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être (ex. : un triangle ne peut pas ne pas être un polygone à trois côtés), ou encore ce qui ne peut être autrement qu’il est ou encore, un ordre, un impératif inévitable. Est possible ce qui est non contradictoire, mais dont on ne peut affirmer la réalité : ce qui peut exister. Est contingent ce qui existe, mais peut ne pas être : ainsi de la propriété d’un être, considérée comme conditionnée : « To be or not to be, that is the question », comme le dit le prince Hamlet dans la pièce éponyme de Shakespeare. « Possible » s’applique à une notion, tandis que « contingent » s’applique à un événement ou à une caractéristique d’une chose.
Croire/savoir :
Croire, c’est accorder foi à, avoir confiance en. La croyance est un assentiment non accompagné de preuves : elle est alors synonyme d'opinion. La croyance est une représentation ou un engagement dépassant les bornes de l’expérience, de la démonstration ; au sens religieux, l’esprit adhère à une vérité d'un ordre transcendant. La croyance est une certitude existentielle, non rationnelle (ce qui ne veut pas dire irrationnelle), elle est foi, confiance subjectivement suffisante, bien qu’objectivement insuffisante.
Savoir (du latin « sapere », goûter, connaître) désigne les représentations intellectuelles, en tant qu’elles sont organisées. On distingue le savoir empirique, savoir-faire acquis par transmission de l'expérience et le savoir scientifique, qui est défini par sa cohérence logique, objective, son caractère expérimentable, donc réfutable.
En acte, en puissance :
En puissance signifie potentiel, qui peut voire doit advenir (la fleur est « en puissance » dans le bourgeon). En acte signifie effectif, réalisé. Est en acte la chose dont toutes les potentialités sont effectivement réalisées : la fleur éclose est en acte. Elle contient à son tour les germes d'une nouvelle pousse, donc d’un être en puissance.
Conditionné/inconditionné :
Le conditionné dépend d’autre chose que de soi ; il est défini par ses relations. L’inconditionné ne dépend de rien d’autre que de soi, c’est l’absolu. Alors que le physicien a besoin de conditions initiales pour élaborer ses connaissances scientifiques, la métaphysique statue sur l'inconditionné en tant qu’il peut s'imposer à la conscience ou à l'intuition.
En fait/en droit :
Le fait, c'est ce qui est, ce que l'on distingue dans l'expérience et dans l'histoire : ainsi, c'est un fait qu'il y a eu des lois imposant l'apartheid en Afrique du Sud. Si ce fait soulevait l'indignation, c'est qu'il n'était pas reconnu comme légitime, qu’il n’avait pas de valeur en droit. En droit, cela désigne ce qui vaut en principe, ce qui relève d’exigences morales ou juridiques. C'est le droit qui doit être idéalement la norme du fait et non l'inverse.
Essentiel, accidentel :
Est essentiel ce qui est relatif à la définition, à la nature d'une chose. Ainsi l'essence d'un cercle consiste-t-elle en tous les points équidistants d'un centre. Mais il est accidentel, inessentiel, que le rayon soit de telle ou telle longueur. Il est essentiel à l'homme d'être doué de rationalité, de sociabilité, mais accidentel d'avoir la peau blanche ou noire, les cheveux roux, bruns ou blonds.
Expliquer/comprendre :
Expliquer, c'est rendre intelligible un phénomène en le rattachant à sa cause efficiente (le « comment ? »). C'est montrer l'existence de liaisons constantes entre certains faits, c'est-à-dire dégager des lois, que l'on intègre, idéalement, dans un ensemble cohérent.
Comprendre, c'est, par opposition à l'explication par les causes efficientes utilisée dans les sciences de la nature, saisir un sens en retrouvant les intentions qui ont présidé à tel ou tel acte, telle ou telle œuvre (le « pourquoi ? »). L'interprétation vise la compréhension, c’est-à-dire la participation à un sens.
Formel/matériel :
La forme désigne l’aspect, le contour, la relation entre des éléments, par opposition à leur contenu, leur matière, leur constituant. La valeur formelle d'un raisonnement désigne sa validité intrinsèque, sa valeur logique, sa non-contradiction, indépendamment de la réalité de ses objets. Seule l'expérience peut nous permettre de statuer sur la vérité matérielle d'une proposition.
Genre, espèce, individu :
Les notions de genre, espèce, individu permettent de classer les choses ou les êtres vivants. On dit que des individus ou des objets appartiennent au même genre lorsqu'ils procèdent de la même origine et lorsqu'ils ont des traits caractéristiques communs. L'espèce est un sous-groupe à l'intérieur du genre. Ainsi, le genre « mammifères » comprend aussi bien le cheval que le dauphin ou l'homme. Les espèces sont composées d'individus singuliers tous différents (de façon accidentelle) malgré leurs caractères communs (qui servent à déterminer leur essence). Les individus sont singuliers, supposés identiques à eux-mêmes dans le temps.
Idéal/réel :
Est réel (de « res », en latin : la chose) ce qui existe effectivement par opposition à ce qui est fictif, imaginaire ou illusoire. L'idéal est la représentation de la réalisation parfaite d'une idée visée, d'un état de chose désiré. Kant définit l'idéal comme « la représentation d'un être unique en tant qu'adéquat à une idée » c'est-à-dire à un concept de la raison (par exemple : la « paix ») qu'aucun phénomène n'est susceptible d'incarner parfaitement. L'idéal peut réguler notre action, l'orienter vers une amélioration.
Identité/égalité/différence :
L'identité d'une chose est son caractère permanent, qui permet de la distinguer des autres choses et de la reconnaître malgré les changements qui l’affectent. La différence renvoie à des êtres qui ne peuvent être identifiés : deux choses sont différentes si elles s’opposent lorsqu’on les rapproche, les compare. L’égalité est une identité de mesure : elle désigne ce qui demeure le même selon la quantité. Politiquement, l'égalité de droit ne saurait se confondre avec l'égalité de fortune ; l’État républicain attribue une égalité juridique aux citoyens.
Intuitif/discursif :
L'intuition désigne la saisie directe d'une réalité ou d'un rapport. C'est l’appréhension immédiate de quelque chose par l’esprit, sans qu'il y ait d’intermédiaire entre une chose et son objet. Par opposition ce qui est discursif suppose la médiation du langage. Le discours, articulé, construit, a besoin d’un enchaînement de propositions pour se déployer et se faire entendre.
Légalité/légitimité :
Est légal ce qui est conforme à la loi positive, établie. S’il y a des lois injustes, elles sont dites illégitimes au regard de la loi naturelle, c'est-à-dire morale. La légalité réalisée par le droit positif (effectivement en vigueur dans un État) ne coïncide pas avec l’exigence morale de la justice à laquelle renvoie la notion de légitimité.
Médiat/immédiat :
Est immédiat ce qui est donné sans intermédiaire, comme chose brute, non élaborée. Est médiat ce qui est au milieu, ce qui s'interpose. La médiation est ce qui met en rapport deux choses originairement distinctes, ce qui s'interpose entre le donné brut (par exemple : de l'argile) et la fin visée (une poterie). On dira que le travail du potier est la médiation par laquelle doit passer la matière première pour être un ouvrage ou une œuvre de poterie.
Objectif/subjectif :
Est objectif ce qui est rationnel, envisagé du point de vue universel de la raison, dissociée des intérêts du sujet. Est subjective au contraire l'attitude marquée par la prise en compte de la particularité de l'individu qui l'adopte. Une démarche objective s’efforce de ne tenir compte, dans la réalité, que des traits généraux reconnaissables par tous. Le critère de l’objectivité peut être l’universalité, l’expérimentabilité, voire l’intersubjectivité.
Obligation/contrainte :
La contrainte désigne un élément extérieur au sujet, qui le conduit à agir contre sa volonté ; c’est ce qui s’impose en vertu d’une nécessité matérielle, par une force physique. Ainsi, sous la menace, quelqu’un cède aux injonctions d’un individu armé. Il y est contraint sans y être obligé. L’obligation est une action dont le principe est en nous : elle renvoie à ce qui s’impose en vertu d’une nécessité sociale ou morale (on s’oblige soi-même. L’obligation, d’une certaine façon, suppose le choix : on peut se désobliger). Ainsi, conformément à notre Constitution, chaque citoyen est engagé à s’acquitter des impôts qui lui incombent. Il y est obligé sans y être contraint.
Origine/fondement :
Si le terme origine (du latin « origo », « la source ») est couramment pris au sens de commencement (il désigne ce qui est originel), il peut aussi désigner la source logique ou ontologique d’une chose. Par ex. : la langue françaises puise ses origines dans le latin et le grec, notamment. Ce n'est alors pas le commencement dans le temps mais le principe originaire, le fondement. On peut ainsi politiquement dissocier l'origine (chronologique, au sens de « commencement », donc !) et le fondement juridique (logique), ce sur quoi repose un régime, ce qui sert à légitimer l'exercice du pouvoir.
Persuader/convaincre :
Persuader c'est amener une personne à tenir pour vraie une proposition sans se préoccuper du degré d’intelligence qu’elle peut en avoir. La persuasion peut utiliser tous les moyens pour arracher l'adhésion. À l'opposé, convaincre (du latin « convincere » : vaincre ensemble) c'est cheminer de concert vers une compréhension des raisons pour lesquelles une proposition peut ou doit être tenue pour vraie. Le moyen utilisé est l'argumentation idéalement démonstrative, et la finalité visée est l'adhésion éclairée. La persuasion conduit à des actes, sans se préoccuper de leur motivation ; la conviction conduit une personne non seulement à agir, mais encore à faire agir les autres en s’efforçant de les convaincre.
Principe/conséquence :
Le principe (du latin « principium » : commencement qui dérive de « princeps » : le premier, le « prince » qui commande) est ce qui est premier et ce qui, par là même, constitue le fondement d'un raisonnement par exemple ou de la morale en ce qui concerne la conduite. Les principes fondent et justifient les séquences logiques, les conséquences qui s'en déduisent ou les règles qui président à l'action.
Ressemblance/analogie :
La ressemblance consiste pour deux personnes ou pour deux choses à avoir des points communs, des caractéristiques partiellement identiques ; elle suppose des différences. L'analogie définit, elle, une égalité de rapports (sur le modèle : A est à C ce que B est à D). Par ex., si on reconnaît chez un enfant les traits de ses parents, on dit qu’il leur ressemble. Mais c’est par analogie qu’on établit un rapport entre le développement d’un être vivant et celui d’un processus finalisé par une intention humaine, comme l’action volontaire : « Tel jeune individu est mûr, adulte dans ses choix, dans sa prise de décisions ! ».
En théorie/en pratique :
La théorie désigne la saisie contemplative (« theion orao », en grec : « je vois Dieu ») de chaque chose par une faculté d’intellection. Par extension ce terme a désigné toute forme de vue d'ensemble, toute articulation d'énoncés faisant système ou tout système explicatif fondé sur des lois, destiné à rendre compte du réel. Par opposition, la pratique est ce qui relève de la mise en œuvre, de l’expérimentation, de l’action, c’est-à-dire par excellence de l’action par laquelle le sujet se transforme lui-même.
Transcendant/immanent :
Le terme latin « transcendere » signifie « dépasser en passant par-delà ». La transcendance est d'abord le fait de s’imposer, de relever d’un autre genre. On utilise notamment ce terme pour désigner Dieu qui est d'un tout autre ordre que les choses sensibles, qui peuvent faire l’objet d’une expérience. Le terme latin « immanere » signifie « demeurer dans ». Est immanent ce qui est intérieur à l'être ou à l'objet considéré. Par opposition à transcendant, est immanent ce qui relève du domaine de l'expérience, ce qui est compris dans la nature ou l'essence d'un être.
Universel/général/particulier/singulier :
Est singulier ce qui est propre à un seul. Est particulier ce qui est partagé par quelques-uns (ce qui est propre à une espèce). Est universel ce qui vaut en tout temps, en tous lieux ; ce qui est donc applicable à tous sans exception. Est général ce qui se rapporte à la plupart ; ce qui est donc applicable à tous, sauf exception(s). « Général » peut également qualifier une propriété générique : qui relève d’un genre.
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