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Méthode 2 : la dissertation philosophique

Méthodologie de la dissertation

 

Objectifs

Quels sont les objectifs d’une dissertation ? Un sujet de dissertation se présente sous la forme d’une question. Par conséquent, le but de la dissertation est de chercher une réponse à la question posée. Mais cette question est une question philosophique, une question qui renvoie à des problèmes philosophiques. Par conséquent, l’objectif est également d’affronter les problèmes que la question pose.

Pour mieux comprendre ce que l’on attend de vous, partons de ce que doit être le produit final (« comment votre copie doit-elle se présenter ? »), puis de ce qui se passe lors de la correction de votre copie (« comment un devoir de philosophie est-il évalué ? »). Nous remonterons alors dans le temps pour comprendre comment organiser votre travail au brouillon et lors de la rédaction (« comment procéder pour faire sa copie ? »).

Plan :

1.       Votre copie

2.       L’évaluation de votre copie

3.       Le brouillon et la rédaction

I – Votre copie

La structure générale de votre copie doit être la suivante :

·         Introduction

·         Développement en trois parties

·         Conclusion

Précisons ainsi ce qu’il doit y avoir dans l’introduction, le développement et la conclusion.

A / L’introduction

Une introduction doit se faire essentiellement en deux temps :

1.       Il faut d’abord montrer que la question pose problème (cf. point méthode sur la problématisation), à partir de l’analyse du sujet.

2.       Vous expliquez ensuite comment vous allez chercher à répondre à la question et aux problèmes qu’elle pose, ce qui revient à faire l’annonce de votre plan.

B / Le développement

Nous allons d’abord examiner ce qu’il doit y avoir dans chaque partie, puis nous verrons comment organiser vos parties, c’est-à-dire comment faire un plan.

1°) Le contenu de chaque partie

Objectif

Dans l’introduction, vous avez montré que la question pose problème. Le but du développement est de trouver une solution aux problèmes soulevés. Par conséquent, dans chaque partie il faut examiner une réponse à la question posée.

Cela signifie notamment que l’on ne fait pas une partie simplement d’analyse des notions. Dans chaque partie, il faut chercher à répondre à la question.

Structure de chaque partie

Chaque partie devra avoir la structure suivante :

1.       Idée directrice

2.       Argumentation

3.       Bilan

4.       Transition (cf. point méthode sur les transitions)

L’annonce de votre idée directrice, le bilan et la transition consistent à chaque fois en quelques phrases seulement. C’est l’argumentation qui est centrale dans chaque partie.

Qu’est-ce qu’une bonne argumentation ?

Dans une argumentation, il doit y avoir :

1.       Une progression logique

2.       Une analyse des idées (des définitions, des distinctions conceptuelles) [cf. point méthode sur les distinctions conceptuelles ; cf. corrigé de l'exercice : « Pourquoi n'y a-t-il pas de manuel de bonheur selon Kant ? »]

3.       Des exemples (cf. dans le cours notre analyse précise d’un exemple de publicité)

4.       Des références philosophiques (on peut utiliser les idées, les arguments, les exemples d’un auteur philosophique, on peut partir d’une citation, …)

5.       Des connaissances (en art, en science, en histoire …)

2°) L’organisation de vos parties, le plan

Pas de plan type

Il n’y a pas de plan type. On ne peut pas appliquer un même type de plan pour tous les sujets.

Notamment, l’idée qu’on devrait faire un plan du type « thèse – antithèse – synthèse » est absurde. Pourquoi ? Tout d’abord, dire « oui » en première partie et « non » en deuxième partie, c’est tout simplement se contredire ! De plus, affirmer qu’on va ensuite faire la synthèse du oui et du non, cela ne veut rien dire !

Pourtant on nous demande de répondre à la question posée. Par conséquent, il est vrai que notre réponse sera toujours du type « oui », ou du type « non ». Mais ce n’est pas le simple « oui », ou le simple « non » qui est important. Ce qui est important, c’est pourquoi et dans quel cas précisément on répond oui, et pourquoi et dans quel cas précisément on répond non.

D’autre part, ce que vous demande, c’est qu’il y ait dans votre devoir un cheminement logique. On veut vous voir en train de réfléchir, de vous questionner et de chercher une réponse. Votre devoir aura ainsi la structure suivante :

Dans une première partie, vous proposez une réponse, mais ensuite vous vous rendez compte que cette réponse présente des difficultés. Vous passez donc à une deuxième partie pour chercher une meilleure réponse, une réponse qui puisse dépasser le problème qui a été dégagé. Mais cette réponse, vous devez montrer qu’elle n’est pas encore parfaitement satisfaisante. Vous faites ainsi une troisième partie, dans laquelle vous formulez enfin la solution qui semble la plus solide.

Pas de plan type, mais une méthode

Vous remarquez ainsi qu’il n’y a pas de plan type, mais qu’il y a une méthode que l’on pourrait formuler ainsi :

1.       Partir du plus simple : dans votre première partie, vous examinez la réponse qui semble la plus évidente, celle qui viendrait à première vue immédiatement à l’esprit de chacun.

2.       Dégager à chaque fois en transition une difficulté : pour passer de la première à la deuxième, et de la deuxième à la troisième partie, vous dégagez un problème qui montre que votre réponse n’est pas suffisante. Vous expliquez alors que vous devez envisager une autre réponse pour pouvoir résoudre ce problème.

3.       Finir par la meilleure solution : votre troisième partie doit contenir la solution que vous proposez à la question posée, et cette solution doit être celle qui semble la meilleure après la réflexion que vous venez de mener. La « meilleure solution » ne signifie pas simplement « celle que vous préférez », mais « celle qui est justifiée par les arguments les plus solides ».

C / La conclusion

La conclusion se fait en deux temps :

1.       Faire un bilan récapitulatif : vous expliquez comment vous êtes parvenus finalement à votre réponse finale (après examen d’autres solutions). Vous retracez le mouvement que vous avez suivi de la première jusqu’à la troisième partie.

2.       Faire ressortir l’intérêt de votre solution : vous expliquez, de manière nuancée, en quoi votre solution permet de répondre de manière pertinente aux problèmes posés par la question.

Ce n’est pas la peine de faire une « ouverture » à proprement parler, mais vous pouvez indiquer un point sur lequel votre analyse mériterait d’être approfondie. Attention cependant, l’ouverture doit être une simple nuance que vous faites à propos de votre réponse finale : il ne faut pas poser une question qui remette totalement en question votre réponse finale, et il ne faut pas ouvrir sur une tout autre question.

II – L’évaluation de votre copie

A / Qualités formelles et qualités de contenu

L’évaluation de votre copie se fait sur deux types de qualités qui sont attendues dans votre devoir :

1°) Les qualités formelles

L’expression des idées est-elle toujours claire ? Est-ce que le devoir est fait dans les formes ? C’est-à-dire :

·         Y a-t-il une introduction, un développement en trois parties, une conclusion ?

·         Dans l’introduction, un problème est-il dégagé ? Est-ce qu’il y a l’annonce du plan ?

·         Est-ce que chaque partie est organisée comme une tentative de réponse à la question posée ? Y a-t-il une idée directrice, une argumentation, un bilan, une transition dans chaque partie ? Y a-t-il une progression logique dans le plan ?

·         La conclusion retrace-t-elle le mouvement parcouru dans le devoir et formule-t-elle bien l’intérêt de la solution proposée ?

2°) Les qualités de contenu

Le contenu est-il pertinent ? C’est-à-dire :

·         Les idées sont-elles justifiées par des arguments convaincants et à partir d’une analyse précise des idées ?

·         Y a-t-il des définitions et des distinctions conceptuelles ?

·         Y a-t-il des exemples pour ancrer le devoir dans le réel, dans le concret

·         Y a-t-il un usage pertinent de références philosophiques et d’autres connaissances ?

·         La question posée est-elle envisagée dans ses enjeux importants ? Les problèmes essentiels sont-ils dégagés ?

·         Y a-t-il une véritable tentative de réponse à ces problèmes ? Y a-t-il plusieurs solutions qui sont envisagées, puis critiquées, avant d’arriver à la proposition finale ?

B / Deux précisions

1°) Les fautes d’orthographe et de syntaxe

Il n’y a pas à proprement parler de points négatifs pour les fautes d’orthographe ou de syntaxe (rappel : une faute d’orthographe est une faute dans un mot ; une faute de syntaxe est une faute dans la structure de la phrase). Mais, vos éventuelles fautes nuisent considérablement à la lecture et du coup à la compréhension de vos copies par le correcteur, ce qui joue de toute façon sur la note finale. Vous devez de toute façon apprendre à écrire correctement. Cela est essentiel, même dans votre vie future : vous ne serez pas pris au sérieux si vous vous adressez à quelqu’un en faisant des fautes d’orthographe ou de syntaxe. Notamment, il y a des fautes qui sont absolument intolérables en Terminale, et cela fait aussi partie de mon rôle de vous apprendre à faire le moins de fautes possibles.

2°) Le correcteur ne note pas en fonction de ses propres idées

Votre correcteur ne note pas en fonction de la correspondance entre vos idées et les siennes. Pour les qualités formelles, c’est évident, puisqu’elles sont indépendantes de tout contenu particulier (il s’agit simplement ici de faire une introduction, un développement et une conclusion en suivant la méthode). Pour ce qui est du contenu, on peut apprécier la qualité d’une argumentation, même si on n’est pas d’accord avec l’idée défendue. De plus, un correcteur de philosophie peut très bien trouver que dans l’absolu votre argument ne tient pas, mais que vous avez fait un travail correct à votre niveau (nous savons, tout comme vous, que vous débutez en philosophie !). Bien plus, faire de la philosophie suppose d’être capable de se décentrer de son propre point de vue, et d’envisager d’autres possibilités, d’autres positions. Un correcteur de philosophie ne va pas se crisper de manière dogmatique sur son point de vue. Enfin, lors de la correction des copies du baccalauréat, nous avons des réunions que l’on appelle réunion d’harmonisation et réunion d’entente : les correcteurs de philosophie se réunissent pour discuter des critères d’évaluation, pour discuter des copies difficiles, et pour harmoniser leurs notes. L’idée qu’en philosophie la note est complètement aléatoire est fausse.

III – Le brouillon et la rédaction

Nous avons vu à quoi devait ressembler votre copie, le produit final, et comment le correcteur évaluait votre copie. Mais comment procéder pour élaborer cette copie ? Il faut maintenant en venir à la cuisine interne, au travail sur le brouillon et à la rédaction.

A / Le brouillon

Le travail sur le brouillon devrait être organisé ainsi :

1.       Analyser le sujet : repérez d’abord les notions du programme (c’est ce qui va vous faire penser à ce qui dans le cours pourrait être pertinent pour le sujet), mais intéressez-vous surtout aux autres termes. En effet, ce sont ces termes qui sont importants, et qu’il faut absolument analyser pour comprendre la question que l’on vous pose. Si vous avez par exemple le sujet « La conscience est-elle un obstacle au bonheur ? », demandez-vous : « quelle est la question que l’on me pose à propos du bonheur et de la conscience ? ». Vous voyez bien ici que c’est le terme d’obstacle qui est déterminant. Pensez donc à analyser ces termes qui ne sont pas des notions du programme. C’est ce qui vous permettra d’éviter le hors sujet. Pour faire cette analyse, cf. le point méthode sur l’analyse.

2.       Examiner les réponses possibles au sujet : voyez comment on peut répondre au sujet, quels arguments on peut proposer pour défendre ou critiquer ces réponses. Repérez quels élements du cours, quelles références philosophiques vous pouvez mobiliser.

3.       Dégager la problématique : déterminez le problème central pour ce sujet, c’est-à-dire le paradoxe qui semble le plus important (cf. point méthode sur la problématisation).

4.       Construire le plan : pour faire votre plan, n’essayez pas de replacer vos idées dans des cases. Partez plutôt de l’idée qui semble la plus simple. À partir de là élaborez la structure de votre première partie, et voyez quelles difficultés se présentent. Comment pourrait-on alors dépasser cette difficulté ? Passez alors à votre deuxième partie, et procédez de même jusqu’à la troisième partie.

B / La rédaction

Je n’ai qu’un conseil à vous donner : donnez-vous du temps pour la rédaction. Ne passez pas trop de temps sur le brouillon. Ne cherchez pas notamment à tout écrire sur votre brouillon. Rédigez seulement l’introduction auparavant sur le brouillon.

Cela vous fait peut-être peur de vous lancer sans un brouillon où presque tout est déjà écrit, mais c’est pourtant ce qu’il faut faire. Le correcteur veut vous voir en train de penser, en train de vous questionner, en train de chercher une réponse. Votre écriture doit donc transcrire la réflexion que vous êtes en train de faire sur le moment.

Soignez votre écriture et écrivez avec un style le plus clair possible. Il ne s’agit pas de faire de belles phrases, mais de construire une argumentation la plus convaincante possible.

Lorsque vous écrivez, ne vous dites pas que vous vous adressez à un professeur de philosophie qui connaît déjà ce que vous essayez d’expliquer. Dites-vous que vous êtes en train d’écrire à quelqu’un qui n’a jamais fait de philosophie : vous devez tout expliquer, de manière progressive et de manière très claire.

 

 

 



10/04/2015
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