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Méthodologie

 Explication de Texte

 

Cet exercice obéit  à une double finalité : il s’agit, comme le dit clairement le terme « explication » de comprendre et de faire comprendre ce que dit le texte, mais aussi de prendre position quant à ce que dit le texte. Qu’est-ce que cela signifie ?

 

I.Vous devez comprendre le texte 

 L’extrait que vous devez commenter dit quelque chose, le plus souvent son auteur affronte une question à laquelle il essaie d’apporter une réponse. Mais le sens du texte n’est pas évident, il peut même sembler obscur. On ne voit pas clairement de quoi il s’agit (quel est le problème du texte ? Comment l’auteur y répond-il ? Quelle est précisément sa réponse ?). C’est à vous qu’il revient d’apporter la lumière. Vous allez mettre en lumière la question, ses enjeux (les raisons qui justifient une telle question : si l’auteur s’est posé une question c’est, sans doute, qu’il avait de bonnes raisons de se la poser), le chemin qu’il va suivre (c’est à dire l’argumentation) pour répondre à cette question et proposer une thèse.

Expliquer, c’est, je le rappelle rendre clair en développant, en dépliant le texte.

Remarque : la plupart des textes que vous aurez à expliquer seront construits autour de ces trois axes : problème / argumentation / thèse. La plupart, mais pas tous : il se peut que l’auteur soulève un problème auquel il n’apporte aucune solution – son objectif étant plutôt de mettre à jour une difficulté, un paradoxe, etc. Il faut donc s’adapter au texte sans chercher à le faire rentrer de force dans un modèle donné d’avance.

A/ Les Erreurs à ne pas commettre

A ce niveau trois risques majeurs : rester extérieur au texte ; juger le texte ; ne pas se concentrer sur le texte.

a/      Rester Extérieur

Il ne s’agit pas de regarder le texte « de loin », de l’ « observer », il faut au contraire rentrer dans sa logique, suivre sa démarche, rechercher sa réponse (si, bien sûr, il y en a). Il faut jouer le jeu, entrer dans le texte. Concrètement vous devez interroger l’extrait qui vous est proposé : quel est le problème qu’il affronte (et en quoi, précisément, ce problème mérite-t-il qu’on s’y arrête – donc quels en sont les enjeux), comment s’y prend-il (quels sont ces arguments), quelle thèse (fondée sur l’argumentation en question) établit-il ? Vous ne pouvez comprendre le texte que si vous lui posez des questions : après tout le meilleur moyen de savoir ce que pense une personne, c’est encore de le lui demander. Expliquer un texte c’est demander à l’auteur de s’expliquer, c’est à dire de se justifier, de préciser sa pensée, d’être plus clair…Mais l’auteur n’est pas là. Vous devez donc prendre sa place. Tout n’est pas clair, c’est vous qui allez rendre clair le texte. Mais attention si vous parlez pour l’auteur, vous devez dire ce qu’il pense -  et non pas ce que vous pensez (c’est pour plus tard).

b/      Juger le texte

Si vous jugez dès le départ, le texte à expliquer vous risquez de passer à côté de ce qu’il dit. D’abord vous ne l’expliquez pas (donc vous êtes hors-sujet), ensuite vous serez injuste à son égard. On ne peut porter de jugement qu’a posteriori : on ne peut dire qu’on est ou pas d’accord avec ce que soutient le texte que si on l’a compris ! Or si vous partez du principe que l’auteur se trompe, vous ne pourrez pas comprendre ce qu’il dit – vraiment. Vous devez donc faire preuve de neutralité : pour l’instant il ne s’agit pas de dire ce que vous pensez de ce que pense l’auteur que vous commentez, il s’agit de comprendre ce qu’il dit. Non pas suis-je d’accord avec ce qu’il dit, mais que dit-il ? Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs.

Si vous ne faites pas l’effort de rester neutre, vous prenez le risque de passer à côté de ce que dit réellement le passage à expliquer. Autrement dit, si à la première lecture vous vous dites : « il se trompe », voire « ce qu’il dit est stupide » ou « choquant », vous ne chercherez pas à dépasser cette impression …qui souvent est infondée. Car il y a très souvent un écart (et parfois un gouffre) entre ce que nous comprenons du texte tout d’abord et le sens qui s’en dégage après le travail d’interprétation.

La première lecture n’est pas toujours la bonne et, en tout cas, elle n’est jamais suffisante. La première lecture est très souvent un obstacle à la compréhension du texte. Conséquence : ne foncez pas tête baissée, vous iriez droit dans le mur.

c/       Répéter le texte, oublier le texte

Troisième risque : ne pas se concentrer sur le texte. Il y a deux erreurs à ne pas commettre ici. Répéter le texte, s’éloigner du texte. Si vous répéter le texte vous ne l’éclairer pas : ce que vous dites n’est jamais que la photocopie de l’original. Vous n’apportez rien (il n’y a rien de plus dans le texte photocopié que dans l’original) et vous risquez même de rendre le texte plus obscur encore (comme toute photocopie : la qualité d’impression n’est pas parfaite). A l’inverse si vous vous éloignez du texte vous parlez sans doute de la même chose (du même thème) mais vous n’expliquez pas le texte. Il faut trouver un équilibre entre ces deux écueils : c’est l’une des difficultés mais aussi l’un des intérêts de l’exercice. Expliquer ce n’est ni paraphraser, ni sur-interpréter.   

B/ Comment s’y prendre ?

S’il y a des erreurs à ne pas commettre, il y a aussi des méthodes à appliquer. Le but de l’explication de texte (au moins dans un premier temps) est de comprendre ce qu’il dit. C’est à dire de rendre le texte plus accessible, plus intelligible qu’il ne l’est par lui-même. Il faut que grâce à vous le lecteur du texte comprenne mieux celui-ci. Comment s’y prendre ?

a/      Le texte rien que le texte mais tout le texte

Il faut prendre le texte comme formant une totalité : il se suffit à lui-même. Les questions qu’il se pose, les arguments qu’il développe, les réponses qu’il avance, tout est là. Vous n’avez pas à chercher le sens du texte en dehors du texte. Il est certainement admirable de connaître la pensée de l’auteur, mais ce n’est absolument pas nécessaire pour expliquer le passage qu’on vous propose (ce qui ne veut pas dire que c’est ‘mal’). On n’exige pas que vous connaissiez l’œuvre de l’auteur, et encore moins que vous soyez capable de le replacer dans l’histoire de la pensée. Si vous le pouvez, c’est très bien, si ce n’est pas le cas, cela n’a pas d’importance. De toute façon ce qu’on attend c’est que vous expliquiez le texte. Il peut même arriver, et ce n’est pas si rare, que la connaissance d’un auteur (dont on a étudié une œuvre, par exemple) nous conduise à passer à côté du texte : on croit bien faire en parlant de ce qu’on a étudié de l’auteur, mais on oublie de lire le passage choisi : on explique une œuvre, mais pas le texte. Là encore on est hors-sujet.

b/      Dégager la structure du texte

Il faut donc s’en tenir au texte ou, du moins, ne pas substituer une explication de l’œuvre à l’explication du texte. C’est avec lui qu’il faut en découdre : il faut se bagarrer avec lui, le contraindre à s’expliquer – Cf. ce que j’ai dit plus haut -. C’est en lui que vous devez chercher les arguments qui lui permettent de soutenir telle ou telle position. Il y a un méthode pour y parvenir : il faut dégager clairement 1/ le sujet du texte (ce dont il parle), 2/ la ou les questions du texte (à quelles questions l’auteur se confronte-t-il ?), 3/ les enjeux du texte (de quoi en retourne-t-il ? quelles sont les conséquences de la réponse que l’on donnera à la question que l’on se pose), 4/ l’argumentation (comment parvient-il à sa réponse), 5/ la thèse qu’il soutient.

Pour se faire il faut absolument dégager la structure du texte  (sa construction, sa démarche).

 Soyez donc extrêmement attentif à sa structure logique. Mais comment la retrouver ? En se concentrant sur les articulations (le plus souvent – mais pas nécessairement - marquées par des « conjonctions de coordinations » : mais, ou, et, donc, or, ni, car…des « en revanche », des « au contraire », etc.). Ces articulations marquent la progression du texte. Après tout l’auteur raisonne : il construit sa pensée de manière cohérente, logique.

Quand vous êtes parvenu à dégager la structure du texte, il devient relativement facile de construire votre explication : ce que vous devez faire, en effet, c’est reconstruire la progression du texte. Et il est évident que vous ne le pourrez que si vous avez cerné celle-ci dans le texte. Finalement la progression de votre explication suit, voire calque, celle du texte. L’explication suit le texte pas à pas. Si celui-ci se ‘découpe’ en trois parties alors vous expliquerez la première puis montrerez comment celle-ci s’articule sur la deuxième et enfin débouche sur la troisième. Pour le dire simplement : le plan que vous suivez c’est celui du texte.

c/       Tous les mots sont importants

Il faut encore prêter attention à chacun des mots : rien n’est insignifiant. Si l’auteur emploie tel mot plutôt que tel autre, il faut se demander si cette décision a de l’importance ou si elle n’en a pas (auquel cas il emploie un mot comme pur et simple synonyme d’un autre). N’oubliez pas que les textes qui vous sont proposés sont écrits : leur auteur a réfléchi à chacun des mots qu’il emploie – un écrit se distingue sur ce point de façon radicale de l’expression orale : cette dernière est plus ‘flottante’, on s’autorise davantage de liberté. L’écrit est fait pour durer pour être travaillé par ses lecteurs…L’auteur ne s’exprime donc pas à la légère.

Si vous ne faites pas un effort pour respecter la lettre du texte vous risquez d’en donner une lecture superficielle, passant à côté de ses subtilités.

C/ Que faire quand on ne comprend pas ?

Une dernière réflexion. Il se peut que, malgré vos efforts, le texte vous résiste et que vous ayez le sentiment de ne pas le comprendre. Que faut-il faire alors ? D’abord soyons lucides si vous ne comprenez rien au texte, vous avez tout intérêt à choisir une des dissertations, c’est là une évidence – mais cela implique que vous vous y soyez exercé pendant l’année ; en revanche si vous pensez comprendre l’essentiel, mais pas l’intégralité du texte, que faire ? Faut-il renoncer ?

La réponse est non. Les correcteurs ne sont pas stupides au point de penser que les textes sont « faciles », au contraire ils savent parfaitement que les textes philosophiques sont souvent d’une lecture difficiles, y compris pour eux-mêmes. Ils n’attendront donc pas de vous que vous expliquiez le texte parfaitement : nul n’est tenu à l’impossible, pas même vous.

Mais quelle stratégie adopter face à un passage que l’on n’est pas sûr de bien interpréter ? Faut-il faire comme si de rien n’était et laisser tomber ledit passage ? Faut-il faire comme si on était sûr de son fait ? Réponse : ni l’un ni l’autre : soyez honnête : dites plutôt que le passage vous semble obscur, que son interprétation vous paraît difficile (n’en faites pas trop cependant : être humble ce n’est pas s’auto flageller). Et dites pourquoi. N’hésitez pas non plus à proposer votre hypothèse de lecture : vous n’êtes peut-être pas sûr de vous, mais vous pencheriez plutôt pour telle lecture. Vous avez parfaitement le droit de dire « ce passage nous semble d’une interprétation difficile, cependant, il nous semble que son sens le plus plausible est le suivant (…), dans la mesure où…L’essentiel est ici de donner vos raisons, c'est-à-dire de justifier votre interprétation). Un correcteur préfèrera toujours cette honnêteté, car elle montre que vous avez conscience des difficultés du texte, et que vous ne cherchez pas à les « aplanir ».

 


II. L’Intérêt Philosophique du texte

Si vous faites ce travail sérieusement vous pourrez répondre à la première exigence de l’explication de texte. Cependant il reste à « dégager l’intérêt philosophique » de celui-ci. Qu’est-ce à dire ?

Lorsque vous êtes parvenu à comprendre le texte, vous savez quel est le problème qu’il se pose et quelle est la position de l’auteur sur celui-ci. Un texte est intéressant d’abord parce qu’il a le mérite de poser un vrai problème, de se confronter à quelque chose qui mérite qu’on y réfléchisse – et dont on ne s’était peut-être pas aperçu : les choses nous semblaient aller de soi, le texte nous montre que non et nous pousse à nous interroger, à réfléchir ; ensuite il peut être intéressant par la thèse qu’il soutient, par la réponse qu’il propose à une question donnée. Il se peut, par exemple, que la solution de l’auteur soit paradoxale, qu’elle vous semble infondée – ou, plus simplement, que l’auteur pense différemment de vous. Votre opinion se heurte à la contradiction. Il s’agit alors de savoir quelle est la position la plus convaincante. Le texte vous invite donc à vous remettre en question, à revenir sur vous-même pour vous demander si vous aviez bien réfléchi ou pas.

La deuxième partie du devoir doit par conséquent mettre en lumière ce que le texte nous apprend, ce qu’il apporte de nouveau, l’éclairage qu’il propose, etc. Elle opère donc, dans un premier temps une synthèse du travail d’analyse que vous avez fait (première partie). Mais elle ne s’en tient pas là. Ayant expliqué le texte, vous pouvez, maintenant, dire ce que vous en pensez : ce que vous en retirez de positif (ce en quoi il vous semble apporter quelque chose, y compris pour votre propre réflexion), comme ce qui vous y paraît inexact, discutable, problématique voire intenable. Vous pouvez maintenant prendre vos distances avec les arguments ou la thèse de l’auteur. Mais vous le pouvez uniquement parce que tout d’abord vous avez fait l’effort de comprendre ce que dit le texte. On pourrait peut-être dire que vous êtes à la fois avocat, procureur et juge : vous pouvez montrez pourquoi il faut, en effet se ranger à l’avis de l’auteur ; en quoi l’argumentation ou la thèse est insoutenable ; vous devez enfin porter un jugement sur le texte.

Mais comment construire cette deuxième partie ? La réponse peut décevoir : il n’y a pas de règle ! Vous avez toujours une part de liberté dans la démarche que vous suivez. Mais cela ne signifie pas que vous pouvez faire n’importe quoi. En réalité on ne peut pas exiger que vous suiviez un ordre précis (et d’ailleurs les consignes officielles ne nous en donnent pas le droit), mais, mais on exigera que vous suiviez un ordre. Il faut bien comprendre que l’absence d’ordre dans votre travail sera interprétée (et non sans raisons) comme le symptôme d’une absence d’ordre dans vos idées : une pensée claire doit s’énoncer clairement. Et le meilleur moyen d’être clair c’est encore de présenter sa pensée de manière ordonnée.

Je vous propose néanmoins un ordre que vous pouvez suivre si vous le souhaitez (étant entendu, une fois encore, qu’il faut savoir adapter son propre discours au type de texte qu’on a en face de soi).

Cet ordre est le suivant : vous commencez, donc, par rappeler la position de l’auteur, puis vous en proposez une critique possible : interne si vous jugez que l’argumentation est faible, incohérente, etc. et/ou externe en lui opposant son antithèse : « l’auteur pense ceci, mais on pourrait lui opposer que… ». Je remarque qu’il peut être intéressant d’introduire des références philosophiques précises à cet endroit. Ainsi, si vous commentez un texte de Hegel, et si vous connaissez Kierkegaard, vous pourrez peut-être montrer l’opposition entre ces deux penseurs. Le troisième moment de cette deuxième partie consistera alors à déterminer si le texte résiste ou non aux critiques que vous lui aurez adressées dans la seconde : peut-être Kierkegaard a-t-il tort…et Hegel raison. A vous de le dire, en vous justifiant.


Modèle de plan possible

On peut en conclusion proposer un modèle de plan. Mais, encore une fois, si ce modèle ne vous convient pas, ou ne convient pas au texte, vous avez parfaitement le droit de procéder différemment.

 

Introduction : présentation du texte ; de la thèse ; des enjeux ; annonce du plan

I : Explication du texte : le plan de cette partie est celui du texte lui-même (il s’agit d’une « étude ordonnée »)

II : Analyse critique : 1.Synthèse de I (problème – thèse) ; 2. Critique (interne : faiblesse de l’argumentation et externe : construction d’une antithèse) ; 3. Réponse à la question : que reste-il du texte après son examen critique ? (ce qui constitue la synthèse de 1. et 2.)

Conclusion

 

Remarque : Plus le texte est complexe plus vous avez besoin de temps pour en donner une explication convaincante et moins il vous restera de temps pour prendre position à l’égard du texte. A l’inverse si le texte est relativement simple alors vous pourrez en ‘profiter’ pour développer davantage la part de réflexion critique. Si il ne faut jamais sacrifier la première partie à la seconde, essayez cependant de toujours élaborer une partie critique suffisamment développée.

Néanmoins si vous n’avez pas réussi à conserver suffisamment de temps pour construire une deuxième partie « conséquente » c’est à votre conclusion que vous pourrez faire jouer le rôle de partie critique. Mieux vaut cela que procéder à une mauvaise lecture du texte ! (Je peux vous assurer que les correcteurs apprécieront toujours le sérieux de l’analyse, votre capacité à voir que les textes sont des choses complexes et qui nécessitent de ce fait qu’on prenne le temps de rentrer dans leurs détails).

 


III. Exemple d’analyse

« Voici le point de départ de la philosophie : la conscience d’un conflit qui met aux prise les hommes entre eux, la recherche de l’origine de ce conflit, la condamnation de la simple opinion et la défiance à son égard, une sorte de critique de l’opinion pour déterminer si on a raison de la tenir, l’invention d’une norme, de même que nous avons inventé la balance pour la détermination du poids, ou le cordeau pour distinguer ce qui est droit de ce qui est tordu.

Est-ce là le point de départ de la philosophie ? Est juste ce qui paraît tel à chacun ? Et comment est-il possible que les opinions qui se contredisent soient justes ? Pourquoi à nous plutôt qu’aux Syriens, plutôt qu’aux Egyptiens ? Plutôt que celles qui paraissent telles à moi ou à un tel ? Pas plus les unes que les autres. Donc l’opinion de chacun n’est pas suffisante pour déterminer la vérité.

Nous ne nous contentons pas non plus quand il s’agit du poids ou de la mesure de la simple apparence, mais nous avons inventé une norme pour ces différents cas. Et dans le cas présent, n’y a-t-il donc aucune norme supérieure à l’opinion ? Et comment est-il possible qu’il n’y ait aucun moyen de déterminer et de découvrir ce qu’il y a pour les hommes de plus nécessaire ?

_ Il y a donc une norme.

Alors, pourquoi ne pas la chercher et ne pas la trouver, et après l’avoir trouvée, pourquoi ne pas nous en servir par la suite rigoureusement, sans nous en écarter d’un pouce ? Car voilà, à mon avis, ce qui une fois trouvé délivrera de leur folie les gens qui se servent en tout d’une seule mesure, l’opinion, et nous permettra désormais, partant de principes connus et clairement définis, de nous servir, pour juger des cas particuliers, d’un système de prénotions. »

 

Epictète, Entretiens, t.II, trad J. Souilhé, Ed. Belles Lettres, coll. Budé, 1969, pp.43-44

 

Dans ce texte Epictète cherche à déterminer l’origine de la philosophie, son « point de départ ». A quel besoin la philosophie vient-elle répondre ?

Conscience du conflit (qui met aux prises les hommes entre eux) ® recherche de l’origine de ce conflit ® condamnation et défiance à l’égard de l’opinion

La philosophie naît donc d’une prise de conscience : la source des conflits qui nous opposent est à chercher dans le renfermement sur nos opinions. C’est parce que nous ne partageons pas les mêmes opinions (à quel sujet ? Concernant sans doute en particulier ce qui est « juste » et ce qui ne l’est pas, cf. le second paragraphe)que nous en venons à nous opposer les uns aux autres. La pluralité des opinions est à l’origine de nos désaccords. D’où la condamnation de l’opinion en tant que telle (c’est à dire en tant que non encore passée au crible de la critique).

Si donc nous faisons de la philosophie c’est pour résoudre ces conflits. Comment ? Précisément en opérant une critique de l’opinion nous permettant de « déterminer si nous avons raison de la tenir ». Reste à dire comment une telle critique est possible. En d’autres termes, il s’agit de trouver un moyen permettant de juger (critiquer vient de Krinein = juger) des opinions. Car toute opinion n’est pas fausse a priori (« l’opinion de chacun n’est pas suffisante pour déterminer la vérité »).

La réponse est claire : il nous faut une « norme ». Et c’est à l’aune de cette norme que l’on jugera de la valeur de l’opinion. La philosophie est intimement liée à la recherche d’une telle norme ; mieux elle naît du désir (du besoin même) de résoudre les conflits que fait naître la pluralité des opinions – par le recours à une norme.

Pluralité des opinions ® recherche d’une norme ® origine de la philosophie

Le second paragraphe vient comme en soutien du premier : il en reprend l’idée centrale, à savoir, qu’il est nécessaire de ne pas s’en tenir à la simple opinion. Il ne se contente pas, cependant de la reprendre, il l’explicite, et l’argumente. Quel est l’argument fondamental sur lequel repose l’affirmation de la nécessité de dépasser l’opinion ?

« Et comment est-il possible que les opinions qui se contredisent soient justes ? » (l.6-7)

L’argument d’Epictète repose sur un principe de logique fondamental : le principe de non contradiction : A ne peut pas être A et –A. Une chose ne peut pas être elle-même et son contraire (sous le même rapport). Si je suis un homme je ne peux pas être un âne, car on ne peut être les deux à la fois : l’un exclut l’autre a priori.

Donc : si deux opinions se contredisent, elles ne peuvent être vraies toutes deux, l’une au moins est fausse.

Quelle conclusion en tirer ? La conscience de cette contradiction renvoie l’opinion au rang d’apparence de vérité, ou, plus exactement, au rang de possible apparence de vérité. Il ne suffit pas qu’une chose me paraisse juste (l.6) pour quelle le soit. Il faut distinguer l’être du simple paraître : ce qui semble vrai ne l’est pas nécessairement, il est seulement vraisemblable, vraisemblable. Les apparences sont parfois trompeuses.

Epictète propose une comparaison : de même que l’usage de la balance nous permet de dépasser les apparences (ce qui semble plus lourd ne l’est pas nécessairement), de même la norme, si nous la trouvons, nous permettra de ramener la pluralité des opinions à l’unité.

Pluralité des opinions ® contradiction ® être / paraître (possiblement : simple apparence) ® critique (par le recours à une norme) ® être (ici = vérité – dépassement de l’opinion) ® unité

Or, nous l’avons dit, la raison de nos conflits est à chercher du côté de nos opinions, et plus précisément, de la diversité de celles-ci. Par conséquent, si nous parvenons à ramener cette pluralité à l’unité, alors c’est aussi la source des conflits qui disparaîtra : « Car voilà, à mon avis, dit Epictète, ce qui une fois trouvé (ie. la norme), délivrera de leur folie les gens qui se servent en tout d’une seule mesure, l’opinion (…) » (l.18-19).

On peut alors reprendre le cheminement du texte dans le schéma suivant :

Conscience du conflit ® recherche de l’origine de ce conflit ® pluralité des opinions ® recherche d’une norme ® lève les apparences et découvre ce qui est vrai ® ramène la pluralité à l’unité ® assèche la source des conflits

Reste simplement à dire ce qu’il en est de la « norme ». Car si la balance permet de mesurer les poids de manière « objective », c’est à dire ne prêtant pas à contestation, quelle peut donc bien être la nature de cette « norme supérieure à l’opinion » qui nous est si nécessaire ?

Cette norme, affirme Epictète, ne peut consister qu’en un ensemble de principes connus et clairement définis (formant un système de prénotions) à partir desquels nous pourrons juger, donc critiquer nos opinions comme celles des autres. En d’autres termes, si nous voulons pouvoir nous élever au dessus des opinions (pour les juger), il nous faut préalablement trouver des principes indiscutables, certains, sur la base desquels nous pourrons nous appuyer.

Les premiers principes doivent être certains et incontestables (donc reconnus, au moins en droit par tous) car si tels n’était pas le cas, ils seraient eux-même de l’ordre de l’opinion : et aucune opinion ne peut se dresser en juge face à une opinion. Les principes doivent relever d’un autre ordre, d’un ordre irréductible à celui de l’opinion. L’absence de tels principes nous condamnerait à ne jamais surmonter la pluralité des opinions – et sa conséquence : les conflits entre les hommes.


Textes

 

Sujet n°1 : Explication de texte

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

 

En fait, il est absolument impossible d’établir par expérience avec un entière certitude un seul cas où la maxime[1] d’une action d’ailleurs conforme au devoir ait uniquement reposé sur des principes moraux et sur la représentation du devoir. Car il arrive parfois sans doute qu’avec le plus scrupuleux examen de nous-même nous ne trouvons absolument rien qui, en dehors du principe moral du devoir, ait pu être assez puissant pour nous pousser à telle ou telle bonne action et à tel ou tel grand sacrifice ; mais de là on ne peut nullement conclure avec certitude que réellement ce ne soit point une secrète impulsion de l’amour-propre[2] qui, sous le mirage de cette idée, ait été la vraie cause déterminante de la volonté ; c’est que nous nous flattons volontiers en nous attribuant faussement un principe de détermination plus noble ; mais en réalité nous ne pouvons jamais, même par l’examen le plus rigoureux, pénétrer entièrement jusqu’aux mobiles secrets ; or, quand il s’agit de valeur morale, l’essentiel n’est point dans les actions, que l’on voit, mais dans les principes intérieurs des actions, que l’on ne voit pas.

Kant

 

 

Sujet n°1 : Explication de Texte

 

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

 

Il n’y a donc point de liberté sans Lois, ni où quelqu’un est au-dessus des Lois (…). Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux Lois, mais il n’obéit qu’aux Lois et c’est par la force des Lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des lois : ils en sont les ministres non les arbitres, ils doivent les garder, non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son gouvernement, quand dans celui qui gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain. »

Rousseau

 

 

 

 

 

 


Sujet n°1 : Explication de Texte

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

 

« On a beau vouloir confondre l’indépendance et le liberté, ces deux choses sont si différentes qu’elles s’excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qui lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne s’appelle pas un état libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre. (…). Je ne connais de volonté vraiment libre que celle à laquelle nul n’a le droit d’opposer de résistance ; dans la volonté commune nul n’a le droit de faire ce que la volonté d’un autre lui interdit, et la vraie liberté n’est jamais destructive d’elle-même. Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car comme qu’on s’y prenne tout gêne dans l’exécution d’une volonté désordonnée.

Il n’y a donc point de liberté sans Lois, ni où quelqu’un est au-dessus des Lois (…). Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux Lois, mais il n’obéit qu’aux Lois et c’est par la force des Lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les républiques[3] au pouvoir des magistrats[4] ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des lois : ils en sont les ministres non les arbitres, ils doivent les garder, non les enfreindre. Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son gouvernement, quand dans celui qui gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain. »

Rousseau

 

I. Explication de texte :

 

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

 

Qu’est-ce qu’un inconscient ? C’est un homme qui ne se pose pas de questions. Celui qui agit avec vitesse et sûreté ne se pose pas de question ; il n’en a pas le temps. Celui qui suit son désir ou son impulsion sans s’examiner soi-même n’a point non plus occasion de parler, comme Ulysse, à son propre cœur, ni de dire Moi, ni de penser Moi. En sorte que, faute d’examen moral, il manque aussi de cet examen contemplatif qui fait qu’on dit : « je sais ce que je sais ; je sais ce que je désire ; je sais ce que je veux. » Pour prendre conscience, il faut se diviser soi-même. Ce que les passionnés, dans le paroxysme, ne font jamais ; ils sont tout entiers à ce qu’ils font ou à ce qu’ils disent ; et par là ils ne sont point du tout pour eux-mêmes. Cet état est rare. Autant qu’il reste de bon sens en un homme, il reste des éclairs de penser à ce qu’il dit ou à ce qu’il fait ; c’est se méfier de soi ; c’est guetter de soi l’erreur ou la faute. Peser, penser, c’est le même mot[5] (…). Qui s’emporte sans scrupule aucun, sans hésitation aucune, sans jugement aucun ne sait plus ce qu’il fait, et ne saura jamais ce qu’il a fait.

Alain

 

 

 

Sujet n°1 : Explication de Texte

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension détaillée du texte du problème dont il est question

 

« En ce temps-là, jadis, l’homme traînait une vie sans ordre, bestiale et soumise à la force, et jamais aucun prix ne revenait aux bons, ni jamais aux méchants aucune punition. Plus tard, les hommes ont, pour punir, inventé les lois, pour que régnât le droit et que la démesure fut maintenue asservie. Alors on put châtier ceux qui avaient fauté.

Mais, puisque par les lois ils étaient empêchés par la force, au grand jour, d’accomplir leurs forfaits, mais qu’ils les commettaient à l’abri de la nuit, alors un homme à la pensée astucieuse et sage inventa pour les mortels la crainte des dieux, afin que les méchants ne cessassent de craindre d’avoir des comptes à rendre de ce qu’ils auraient dit, ou encore pensé, même dans le secret. Ainsi introduit-il la pensée du divin. ‘C’était, leur disait-il, comme un démon vivant d’une vie éternelle. Son intelligence entend et voit en tout lieu. Il dirige les choses par sa volonté. Sa nature est divine. Par elle, il entendra toute parole d’homme, et par elle il verra tout ce qu’il commet. Et si dans le secret tu médites encore quelque mauvaise action, cela n’échappe point aux dieux, car c’est en eux qu’est logée la pensée’ ».

Sextus Empiricus

 

Explication de texte :

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question

 

Par une nécessité invincible, l’esprit humain peut observer directement tous les phénomènes, exceptés les siens propres. Car, par qui serait faite l’observation ? On conçoit, relativement aux phénomènes moraux, que l’homme puisse s’observer lui-même sous le rapport des passions qui l’animent, par cette raison anatomique[6], que les organes qui en sont le siège sont distincts de ceux destinés aux fonctions observatrices. Encore même que chacun ait eu occasion de faire sur lui de telles remarques, elles ne sauraient évidemment avoir jamais une grande importance scientifique, et le meilleur moyen de connaître les passions sera-t-il toujours de les observer en dehors ; car tout état de passion très prononcé, c’est à dire précisément celui qu’il serait le plus essentiel d’examiner, est nécessairement incompatible avec l’état d’observation. Mais, quant à observer de la même manière les phénomènes intellectuels pendant qu’ils s’exécutent, il y a impossibilité manifeste. L’individu pensant ne saurait se partager en deux, dont l’un raisonnerait, tandis que l’autre regarderait raisonner. L’organe observé et l’organe observateur étant dans ce cas identique, comment l’observation pourrait-elle avoir lieu ?

Cette prétendue méthode psychologique[7] est donc radicalement nulle dans son principe. Aussi, considérons à quels procédés profondément contradictoire elle conduit immédiatement ! D’un côté, on vous recommande de vous isoler, autant que possible, de toute sensation extérieure, il faut surtout vous interdire tout travail intellectuel ; car, si vous étiez seulement occupés à faire le calcul le plus simple, que deviendrait l’observation intérieure ? D’un autre côté, après avoir, enfin, à force de précautions, atteint cet état parfait de sommeil intellectuel, vous devez vous occuper à contempler les opérations qui s’exécuteront dans votre esprit lorsqu’il ne s’y passera plus rien !

Auguste Comte, Cours de philosophie positive

Explication de texte :

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

 

Je me trouve en droit de supposer que la conscience ne s’est développée que sous la pression du besoin de communiquer ; qu’elle n’était nécessaire et utile au début que dans les rapports d’homme à homme (notamment pour le commandement), et qu’elle ne s’est développée que dans la mesure de cette utilité. La conscience n’est qu’un réseau de communication entre hommes ; c’est en cette seule qualité qu’elle a été forcée de se développer : l’homme qui vivait solitaire, en bête de proie, aurait pu s’en passer. Si nos actions, pensées, sentiments et mouvements parviennent à la surface de notre conscience, c’est le résultat d’une terrible nécessité qui a longtemps dominé l’homme, le plus menacé des animaux : il avait besoin de secours et de protection, il avait besoin de son semblable, il était obligé de savoir dire ce besoin, de savoir se rendre intelligible ; et pour tout cela, en premier lieu, il fallait qu’il eût une « conscience », qu’il « sût » ce qu’il pensait. Car comme toute créature vivante, l’homme, je le répète, pense constamment, mais il l’ignore ; la pensée qui devient consciente ne représente que la partie la plus infime, disons la plus superficielle, la plus mauvaise, de tout ce qu’il pense : car il n’y a que cette pensée qui s’exprime en paroles, c’est à dire en signes d’échanges, ce qui révèle l’origine même de la conscience. Bref le développement du langage et le développement de la conscience vont de pair (…).

Je pense, comme on le voit, que la conscience n’appartient pas essentiellement à l’existence individuelle de l’homme, mais au contraire à la partie de sa nature qui est commune à tout le troupeau ; qu’elle n’est, en conséquence, subtilement développée que dans la mesure de son utilité pour la communauté, le troupeau ; et qu’en dépit de la meilleure volonté qu’il peut apporter à « se connaître », percevoir ce qu’il a de plus individuel, nul de nous ne pourra jamais prendre conscience que de son côté non individuel et moyen.

Nietzsche, Le Gai Savoir, §.354

 

Sujet n°1 : Explication de texte

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

 

Ma troisième maxime[8] était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune[9], et à changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde ; et généralement, de m’accoutumer à croire qu’il n’y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir, que nos pensées en sorte qu’après que nous ayons fait de notre mieux, touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est, au regard de nous, absolument impossible. Et ceci seul me semblait être suffisant pour m’empêcher de rien désirer à l’avenir que je n’acquisse, et ainsi me rendre content[10]. Car notre volonté ne se portant naturellement à désirer que les choses que notre entendement lui représente en quelque façon comme possibles, il est certain que, si nous considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également éloignés de notre pouvoir, nous n’aurons pas plus de regret de manquer de ceux qui semblent être dus à notre naissance, lorsque nous en serons privés sans notre faute (…).

Descartes

 

Dissertations

 

Dans la passion suis-je moi-même ? 

 

Obéir, est-ce renoncer à être libre ?

 

L’Etat doit-il tolérer toutes les opinions ?

 

Les hommes ont-ils besoin d’être gouvernés ?

 

Pour se libérer du passé, faut-il l’oublier ?

 

Peut-on se mentir à soi-même ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Méthodologie

de la Dissertation

 

 

Pour faire une dissertation il faut procéder en plusieurs temps. Décomposons le mouvement.

 

A/ Analyser le sujet

Le premier travail, et il est essentiel, consiste à lire le sujet. A priori, rien de plus simple, pourtant c’est une réelle difficulté : trop souvent nous lisons mal et nous lisons mal parce que nous lisons trop vite. Il faut absolument prendre le temps de comprendre l’énoncé. Et ici, comme pour l’interprétation des textes, nous sommes souvent induits en erreur par la première lecture que nous en faisons : « c’est ça le sujet, répondons-y ». Le problème c’est qu’à partir trop vite, et donc à s’en tenir à la première interprétation de l’énoncé, on ne cerne pas précisément le sens de la question voire on passe à côté de celle-ci. On est hors-sujet. La première impression est un obstacle à la compréhension du sujet. Il faut s’en méfier. On ne comprend le sens du sujet qu’après l’avoir travaillé pendant un certain temps. Mais comment dépasser la première lecture ?

a/      Lire, Définir

Chaque mot de l’énoncé est important : il convient donc de définir les termes en présence. Mais l’énoncé n’est pas une somme de mots placés les uns à côté des autres : ils sont en relation, ce qui nous intéresse c’est donc le rapport qu’entretiennent les concepts. Il ne suffit pas de définir les termes, encore faut-il comprendre la relation qu’ils entretiennent et dont procède la question.

b/      Construire la Problématique, dégager les Enjeux

On vous pose une question (peut-on se mentir à soi-même ?, par exemple), on vous propose un thème (l’homme face à la mort). Que faut-il faire ? Que faut-il en faire ? Deux choses, au moins. Tout d’abord, il convient de retrouver le problème (« ce qui fait question ») dont est née la question proposée. N’oubliez pas que la question n’est pas « posée en l’air », elle renvoie à un véritable problème. Si la question est posée, c’est d’abord parce qu’elle mérite d’être posée (c’est une question qui n’est pas anodine) ; mais c’est aussi parce que sa réponse ne va pas de soi (si la ‘réponse’ était évidente, on ne perdrait pas son temps à la poser). Reste à savoir comment.

Il me semble essentiel, ici, de réfléchir aux réponses possibles et de cerner les conséquences qu’il y a à soutenir ces différentes positions. Car la réponse qu’on apporte à une question philosophique n’est pas sans conséquences (dire que l’on peut se mentir à soi-même cela signifie que l’on n’agit pas toujours « librement », tandis que soutenir que l’on ne peut pas se mentir à soi-même implique que nous n’avons « aucune excuse » lorsque nous agissons de manière ‘discutable’, puisque nous savons ce que nous faisons). Si vous voulez que votre lecteur ait envie de vous lire, vous devez lui montrer quels sont, justement, les enjeux de la question proposée. De même qu’en sport, les matches intéressants sont les matches à enjeux, de même, les dissertations de philosophie deviennent intéressantes lorsque les réponses possibles sont importantes, nous engagent (vers un ‘style de vie’, vers un ‘modèle de société’ ou une ‘posture morale’). Prenons un exemple. « La violence peut-elle être légitime ? » Si je réponds oui, alors, je justifie l’action révolutionnaire, mais peut-être aussi le meurtre. A l’inverse, si je réponds non (parce que, justement, le meurtre me paraît injustifiable), je me condamne peut-être à l’inaction ou, du moins à l’inefficacité. On voit ici les deux positions possibles : soit je me refuse à la violence au nom de la ‘morale’, soit, j’accepte d’être violent au nom des nécessités de l’action. Les enjeux sont clairs : celui qui refuse la violence ne peut pas « transformer » le monde, « faire » l’histoire. A l’opposé, celui qui se donne le droit d’être violent se donne aussi la possibilité d’agir sur le monde – reste à savoir dans quelle mesure cette

 « violence » peut-être légitime : 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


III. Introduction et Conclusion

 

Abordons enfin le douloureux problème de la rédaction de l’introduction et de la conclusion. Ce problème est d’autant plus douloureux que ces deux parties de votre explication occupent une place stratégique dans votre copie. Tout d’abord parce qu’ils ouvrent et ferment votre travail : ce qui signifie très concrètement qu’une introduction réussie « donne envie de vous lire », et mettra votre correcteur dans de bonnes dispositions tandis qu’une  conclusion de bonne facture, elle, laissera le lecteur sur une « note positive ». Mais aussi parce que l’introduction et la conclusion ont une fonction spécifique : la première pose le problème, en souligne les enjeux ; la seconde apporte une réponse (ou explique pourquoi vous n’êtes pas parvenu à une réponse – ce qui en soi n’est pas un défaut). Si vous passez à côté de la question (dans l’introduction) vous ne pourrez pas y apporter de ‘réponse’ pertinente. De la même façon, si vous ne concluez pas de façon satisfaisante, on ne saura pas quelle est la réponse que , pour votre part vous soutenez. Autant dire que si vous ratez et l’introduction et la conclusion, on ignorera et la question que vous traitez et la réponse que vous proposez…C’est exactement ce qu’il faut éviter ! Comment ?

La réponse est très simple (mais pas nécessairement facile à « mettre en application ») : l’introduction doit impérativement mettre en lumière la question que 


 

 

 



[1] Précepte, règle générale de conduite ou de jugement

[2] « égoïsme, attachement à ses intérêts » (1521) puis « tendance à la fierté » (v.1640)et, spécialement, « opinion trop avantageuse de soi –même »(1665).

[3] « J’appelle donc République tout Etat régi par des lois, sous quelque forme d’administration que ce puisse être : car alors seulement l’intérêt public gouverne » (Du Contrat Social, Liv. II, ch. 6).

[4] les magistrats, c’est à dire les gouvernants.

[5] En effet pense vient du latin pensare qui signifie peser. Penser, c’est donc évaluer, apprécier comme on évalue un poids en se servant d’une balance.

[6] Allusion à certaines théories de l’époque (la phrénologie de Gall, en particulier) qui localisent les facultés affectives dans la partie postérieure du cerveau, et les facultés perceptives et réflexives dans les parties antérieures

[7] L’introspection : l’observation d’une conscience par elle-même

[8] Règle morale

[9] Les hasards de la vie, ce qu’on appelle parfois le « destin »

[10] Heureux

 



10/04/2015
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