Philoforever

Méthode 3 : l'explication de texte

Méthodologie de l’explication de texte

 « La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise »

Il ne faut pas se méprendre. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas faire référence à vos éventuelles connaissances sur l’auteur (ou sur d’autres auteurs). Comme nous le verrons plus loin dans cette méthodologie, ce type de connaissance peut être utile. De plus, il ne faut pas croire que l’explication de texte ne suppose aucune connaissance. Les élèves ont généralement tendance à choisir l’explication de texte par défaut pour ce motif, qui n’est pas une bonne raison. La dissertation fait en effet souvent peur : comment faire 7 pages à partir d’une question de 6 mots ? L’explication de texte paraît alors rassurante : il y a déjà un support, un document dont on croit toujours pouvoir tirer quelque chose. Ce n’est pas une bonne stratégie !! L’explication de texte est un exercice exigeant, tout aussi dur (voire plus dur) que la dissertation.

« Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question. »

Que faut-il faire alors dans l’explication de texte ? Expliquer le texte certes, mais il ne s’agit pas de n’importe quel type de texte. Les concepteurs du sujet doivent choisir un texte qui se rapporte à une ou deux des notions du programme de philosophie. Or ces notions renvoient à des problèmes philosophiques. Derrière un texte de philosophie, il y a en effet toujours un problème que l’auteur cherche à résoudre. La consigne officielle rappelle ce point : « Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question ».

Qu’est-ce que rendre compte du problème dont il est question dans un texte ? C’est comprendre la démarche de l’auteur dans ce texte : il y a un problème philosophique qui est posé (et qu’il faut donc dégager), et l’auteur propose une réponse à ce problème : il construit une argumentation, qui elle-même est construite à partir de concepts et de distinctions conceptuelles.

Un texte philosophique doit ainsi se comprendre essentiellement selon trois dimensions : les dimensions du problème, de l’argumentation, et des concepts. Rappelez-vous d’ailleurs ce vous deviez faire en dissertation : vous deviez dégager un problème (en introduction), et chercher à y répondre par une argumentation, en construisant votre argumentation à partir d’une analyse conceptuelle. Finalement, la dissertation consistait à construire par soi-même une démarche philosophique, alors que l’explication de texte vise à reconstruire et comprendre la démarche philosophique d’un auteur. Ce type de travail suppose une méthodologie spécifique que nous allons à présent préciser.

I – La copie finale

Voyons tout d’abord ce à quoi vous devez parvenir. Votre copie finale doit avoir la structure suivante : introduction / explication détaillée du texte qui suit le plan du texte / [discussion du texte] / conclusion. Examinons chacun de ces points.

A/ L’introduction

Il faut d’abord repérer le thème du texte, c’est-à-dire la ou les deux notions sur lesquelles le texte porte (p.ex. : la liberté, ou bien la morale et la politique). Le thème du texte renvoie à un problème philosophique qui se formule d’abord sous la forme d’une question directrice à laquelle l’auteur essaie de répondre dans ce texte. Il faut dégager cette question, qui doit nécessairement porter sur la ou les deux notions qui constituent le thème du texte (p.ex. : « la liberté est-elle une illusion ? » ou bien « la politique doit-elle suivre les règles de la morale ? »). Nous venons de dire que l’auteur dans le texte cherche à résoudre un problème, il faut donc énoncer la thèse de l’auteur, et vérifier qu’elle constitue bien une réponse à la question directrice (p.ex. : « l’auteur défend l’idée que le sentiment que nous avons de notre liberté repose sur une croyance fausse qui provient de l’ignorance des mécanismes qui nous déterminent à agir », ou bien « selon l’auteur, l’homme politique doit avant tout chercher l’efficacité de son action, et le maintien de son propre pouvoir, ce qui suppose de transgresser les règles ordinaires de la morale lorsque cela est nécessaire »). Comme vous pouvez le constater, l’énoncé de la thèse doit être précis (il ne suffit pas de dire « selon l’auteur la liberté est une illusion »), et il faut noter que la thèse ne correspond pas à un passage du texte : c’est à vous de formuler la thèse.

Vous devez ensuite dégager l’enjeu. Pourquoi l’auteur s’évertue-t-il à répondre à cette question ? Pourquoi faut-il chercher à résoudre ce problème ? Quel est l’intérêt philosophique de cette question ? Qu’est-ce qui est en jeu dans cette question ? Une manière de dégager l’enjeu est de déterminer les implications des différentes réponses possibles que l’on peut donner à la question, et de voir ce qui change. Par exemple, si la liberté est une illusion, cela signifie que nous devons abandonner une croyance qui nous semble pourtant essentielle, mais n’avons-nous pas tous le sentiment d’être libre ? Comment est-il possible que nous soyons ici tous dans l’erreur ? Pourquoi avons-nous tendance à croire que nous sommes libres ?

Une fois que vous avez énoncé la réponse de l’auteur à la question directrice, ainsi que l’enjeu de cette question, vous devez expliquer comment l’auteur organise sa réponse, comment il construit son argumentation, ce qui correspond au plan du texte. Il s’agit ici de déterminer le cheminement de la pensée de l’auteur. Attention, n’en restez pas à des remarques formelles (« il énonce sa thèse, puis il y a un argument, et enfin un exemple »), mais précisez le contenu en montrant bien comment on passe d’une idée à une autre, en suivant bien la dynamique interne du texte.

Remarquez ici comme tout s’enchaîne logiquement dans l’introduction : on a d’abord le thème, puis la question directrice, qui porte sur le thème, puis la thèse, qui est une réponse à la question directrice, puis l’enjeu, qui explique pourquoi l’auteur s’efforce de défendre une thèse en réponse à la question directrice, puis le plan qui explique comment l’auteur organise la défense de sa thèse.

Vous avez présenté de manière globale le texte, passons à l’explication détaillée du texte.

B/ L’explication détaillée du texte

1°) Principes de base

Il y a deux risques principaux qu’il faut éviter dans l’explication de texte, qui constituent deux rochers entre lesquels il faut naviguer. Il y a tout d’abord le rocher de la paraphrase, qui est certainement le danger le plus important, celui vers lequel les élèves ont le plus tendance malheureusement à se diriger. Faire de la paraphrase, c’est simplement répéter le texte avec d’autres mots, et dans ce cas, on n’explique pas du tout le texte, on n’apporte rien du tout à la compréhension du texte. Le but est au contraire d’essayer de dégager le sens du texte, mais si l’on cherche à éviter la paraphrase, si l’on s’éloigne du rocher de la paraphrase, on risque aussi d’aller trop loin de l’autre côté, et de tomber dans le contresens, dans le hors sujet. Comment faire alors pour éviter la paraphrase et le contresens ou le hors sujet ?

a – pour éviter la paraphrase

Pour éviter la paraphrase, il faut analyser le texte, en dégager du sens. Il faut donc procéder de la manière suivante :

·         Il faut reconstruire, et expliciter l’argumentation de l’auteur : il faut dégager les idées principales, les liens logiques entre idées, les étapes du raisonnement, les chaînons manquants (parfois l’auteur ne précise pas comment on passe d’une idée à une autre, c’est alors à vous de clarifier ce point

·         Il faut définir, analyser le sens des notions et des distinctions utilisées par l’auteur

·         Il faut donner des exemples pour illustrer les idées de l’auteur

·         On peut utiliser des références philosophiques pour mettre en perspective une idée de l’auteur

b – pour éviter le contresens ou le hors sujet

Lorsqu’on commence à dégager le sens du texte, le risque est de s’éloigner du texte, et de tomber dans le contresens ou le hors sujet. Pour éviter cela, il faut rester focalisé sur le texte, en procédant de la manière suivante :

·         Du point de vue de l’argumentation, il faut bien montrer comment l’argumentation de l’auteur se construit, progressivement, dans le texte lui-même. Les étapes du raisonnement doivent être dégagées à partir du texte lui-même.

·         Du point de vue de l’analyse des notions et des distinctions, il ne faut pas chercher à plaquer ses connaissances. Il faut être attentif à la singularité, à la spécificité du texte. Ce n’est pas parce que nous avons défini de telle ou telle manière une notion dans le cours, que l’auteur adopte lui aussi la même définition. Il faut déterminer le sens des notions et des distinctions utilisées par l’auteur à partir du texte lui-même. Cela ne signifie pas que les connaissances que vous avez sont inutiles ; au contraire, c’est par comparaison entre vos connaissances et ce que dit le texte que vous pourrez dégager le sens précis des idées du texte.

·         Du point de vue des exemples et des références philosophiques que vous utilisez, le seul critère est de savoir si votre exemple ou votre référence apporte quelque chose à la compréhension du texte : est-ce que votre exemple ou votre référence permet de mieux comprendre le texte ?

2°) L’organisation générale de l’explication

L’explication doit suivre de manière linéaire le texte (on ne fait pas un plan thématique), et il faut dégager dans le texte plusieurs parties. Il n’y a pas comme dans la dissertation, un nombre défini de parties à faire : selon les textes, ce sera 2 à 4 parties (au-delà, c’est trop pour un texte de seulement une vingtaine de lignes).

Le plan du texte doit correspondre à l’organisation logique du texte. Il faut donc être attentif aux liens logiques entre les idées. Aidez-vous des mots de liaison dans le texte, essayez bien de voir quand est-ce qu’on passe d’une idée à une autre. Notez que le plan du texte ne correspond pas nécessairement au nombre de paragraphes dans le texte. Les changements de ligne dans le texte sont certes une indication, mais l’important est de dégager la structure logique du texte.

Chaque partie correspond à une étape dans l’argumentation de l’auteur et il faut bien comprendre le lien entre chaque partie et la thèse. Le texte est organisée en fonction d’un but : défendre une thèse, il faut donc dégager le rôle logique de chaque partie, la contribution de chaque partie à l’établissement de cette thèse.

3°) Le contenu de chaque partie

Structure générale de chaque partie

La structure de chaque partie de votre explication ressemble à la structure d’une partie de dissertation : 1°) idée directrice (que fait l’auteur dans cette partie ? Quel est le rôle logique de cette partie dans l’argumentation générale de l’auteur ?), 2°) analyse du texte, 3°) bilan et transition (on rappelle ce qu’a fait l’auteur dans cette partie, et on explique ce qui fait passer de cette partie à la partie suivante).

L’analyse du texte

L’analyse du texte doit chercher à éviter la paraphrase et le contresens (cf. plus haut), et doit reposer sur une démarche de questionnement, qui procède essentiellement à partir de trois types de question :

1.        Qu’est-ce que cela veut dire ?

2.        Est-ce vrai ? (ou plutôt : dans quelle mesure est-ce vrai ?)

3.        Quel est l’enjeu ?

Le fil conducteur de votre analyse doit être cette démarche de questionnement. On ne procède pas ainsi : bloc de citation / explication / bloc de citation / explication / … . On ne fait que des citations courtes, précises et seulement lorsque c’est nécessaire.

C/ Discussion du texte

1°) Il faut viser à faire une discussion du texte

Après l’explication du texte, vous pouvez faire une discussion du texte. En effet, vous avez face à vous un texte philosophique : l’auteur cherche à répondre à un problème philosophique, mais sa réponse ne clôt pas le problème : on peut discuter la réponse que propose l’auteur.

Avant tout, il faut comprendre que la discussion du texte est facultative (vous pourriez simplement faire une explication de texte : si elle est bonne, on ne vous enlèvera pas des points si vous n’avez pas fait de partie de discussion), mais elle valorise beaucoup votre copie et il faut donc vous efforcer de faire une partie de discussion du texte. Attention toutefois : la discussion du texte ne peut remplacer l’explication du texte, qui, elle, est absolument nécessaire.

En définitive, si vous avez assez d’éléments de discussion du texte pour en faire une partie, n’hésitez pas, faites une partie de discussion. Si vous avez seulement quelques élément de discussion du texte, que vous ne parvenez pas à développer et qui ne peuvent constituer une partie entière, ne les laissez pas complètement de côté : dans ce cas, vous pouvez intégrer vos éléments de discussion du texte à l’explication de texte elle-même (vous expliquez le texte, puis vous faites votre remarque : vous montrez que vous avez compris ici qu’il y avait un point que l’on peut discuter. Ce serait évidemment mieux si vous développiez ce point, mais c’est déjà bien d’avoir fait cette remarque).

Nous n’avons pas encore expliqué ce que l’on peut faire dans la discussion du texte. Voyons avant tout ce qu’il ne faut pas faire

2°) Ce qu’il ne faut pas faire dans la discussion du texte

·         Il ne faut pas « descendre » le texte, et chercher à montrer que le texte est complètement faux, qu’il n’a pas d’intérêt, …. Si ce texte a été choisi comme sujet d’explication de texte, c’est qu’on estime que ce texte a un intérêt philosophique que vous devez être capable de reconnaître.

·         Il ne faut pas chercher à juger l’auteur et notamment à juger la clarté de son propos (ne dites surtout pas que « l’auteur n’est pas clair » ou que « l’auteur n’a pas compris que …, n’a pas vu que … »). Vous avez face à vous seulement un texte d’une vingtaine de lignes : vous ne pouvez pas juger un auteur sur ces quelques lignes.

·         Il ne faut pas donner son avis sur le texte, donner son opinion sur les idées de l’auteur. Le but n’est pas de savoir si vous êtes d’accord ou non avec l’auteur, mais d’évaluer le plus objectivement possible la pertinence et la vérité de ce qu’il affirme.

3°) Ce que vous pouvez faire dans la discussion du texte

·          Vous pouvez nuancer un point précis du texte. Nuancer le texte s’oppose à « descendre » le texte : on reconnaît l’intérêt philosophique du texte, sa part de vérité, mais on montre que sur tel point précis on ne peut accepter, telle quelle, l’idée de l’auteur pour telles et telles raisons (et il faut absolument préciser quelles sont ces raisons).

·                    Vous pouvez confronter la pensée de l’auteur à une autre position philosophique, à la pensée d’un autre auteur. Il s’agit ici de montrer que d’autres réponses, au même problème, ont été envisagées, et il faut essayer de déterminer quelle est la réponse qui semble la plus pertinente (on procède toujours par questionnement : quelles objections peut-on faire à la pensée de l’auteur ? peut-on répondre à ces objections ?)

D/ La conclusion :

 La conclusion suit la même méthode qu’en dissertation.

1.        Récapitulatif du cheminement du texte. Dans la dissertation vous devez récapituler ce que vous avez fait dans votre plan en montrant comment vous en êtes passé de votre première idée à votre réponse finale. De même, dans l’explication, il faut récapituler ce que l’auteur fait dans ce texte, en montrant comment le texte chemine d’une idée à une autre.

2.        Thèse de l’auteur, et intérêt philosophique du texte. En dissertation, vous devez expliciter clairement la réponse finale que vous donnez au sujet, et vous devez expliquer l’intérêt philosophique de cette réponse. De même, dans l’explication de texte, vous devez formuler clairement la thèse de l’auteur dans ce texte, et expliquer l’intérêt philosophique de ce texte.

 

 



10/04/2015
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 105 autres membres