Philoforever

Mon attirance pour les grenouilles.

Pourquoi allez-vous parfois croiser des grenouilles au gré de mon blog ?

 

Mon étang perso ... 

 

 

   « Aristophanous batrachoï », j'aime ces « grenouilles » d'Aristophane, qui peuplent mon cahier de texte, mes cours, mes relevés de notes ... et, même si Aristophane et Platon ne s'aimaient guère, bien que ce dernier l'ait invité au ...Banquet, en compagnie d'Agathon, d'Alcibiade et des autres ...-mais peut-être pour prendre sa revanche-, je continue à aimer Aristophane pour cette transmutation « grotesque » du monde, sans quoi celui-ci serait parfois insupportable de sérieux. Je m'explique.

   Le rire d'Aristophane naît le plus souvent du grotesque, dans le sens que lui donne Baudelaire. Dans son essai De l'essence du Rire (Essai paru dans « Le Portefeuille » du 8 juillet 1855),l'auteur des Fleurs du Mal dit en effet : « Le comique est, au point de vue artistique, une imitation ; le grotesque, une création ». Cette notion de grotesque me paraît essentielle pour comprendre Aristophane : elle correspond en effet au fantastique, aux héros comiques, au détournement de la nature et du langage, et enfin à une imagerie tellement dense qu'elle devient elle-même réalité, mais une réalité différente, proche du non-sens. Au contraire, le comique simple, significatif comme le nomme Baudelaire, se réfère aux liens qu'entretient la pièce avec la réalité quotidienne, et domine ainsi dans les jeux de scène, la satire et la parodie, les personnes moquées, et une grande partie du comique verbal. Les choeurs, les personnages, l'organisation du dialogue ainsi que certains procédés comiques systématiquement utilisés par le poète, comme l'inversion des valeurs courantes et les travestissements, tous ces éléments donc s'organisent autour de ces deux espèces de comique pour constituer la fiction comique d'Aristophane. Le grotesque ne se réduit donc pas au burlesque : c'est une force dionysiaque, carnavalesque, qui transfigure la réalité et crée un monde ironique, utopique ou fantastique, mais optimiste. On trouve ce grotesque dans La Paix, par exemple, avec le scarabée géant, une bête dégoûtante nourrie d'excréments, mais qui est pourtant la seule créature à pouvoir voler jusqu'à Zeus ; on le voit dans Les Guêpes, où les chiens, au lieu de se mordre et d'aboyer, se font des procès en règle ; on le rencontre, ce grotesque, dans Les Acharniens, où les otages ne sont pas des hommes (ansropi), mais des sacs de charbon, (ansraki) ; on le trouve dans Les Oiseaux, où ces créatures ailées se mettent à vivre comme des humains, alors que les hommes se battent pour avoir des ailes et que les dieux viennent à la table des négociations... on le voit dans Les Grenouilles, Batrachoi ...

   « Se moquer de la philosophie c'est vraiment philosopher », me rappelait une jeune journaliste, m'interrogeant sur mes impressions au sortir de l'épreuve de philosophie du Bac, cru 2008 -dont je n'étais que le surveillant, et c'est heureux !-, et j'ai eu soudain le sentiment qu'elle avait profondément raison en réveillant Pascal, comme on aime très souvent le réveiller.

   Perfuser le sérieux, en lui injectant le germe d'une saine ironie, ou plutôt le germe d'un batracien au don de la métamorphose ... vivre au fond de l'étang, de l' « étant », Dasein-allusion pour mes collègues- comme un poisson et respirer pourtant avec ses branchies à la surface de ce monde, n'être « bien » qu'au fond et tout à la fois qu'à la surface de ce monde, voici peut-être le chemin de l'ataraxie-notion adorée de mes élèves. Aristophanous batrachoï... suivons-les ..., dansons avec elles.

 



24/06/2008
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