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Récapitulatif Ecole d'Athènes

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   L’École d’Athènes, met en scène plus d’une cinquantaine de penseurs, astronomes, historiens ou mathématiciens dont les travaux se sont échelonnés sur une période de près de dix-huit siècles !

   L’artiste s’est peint lui-même (1), tout à fait à droite, les yeux fixés sur… Ptolémée vu de dos (2) et il a mis sa signature dans le col du vêtement d’Euclide (ou Archimède) en pleine démonstration qui se penche vers sa tablette (3). On peut y lire R.V.S.M. (Raphaël Vrbinas Sua Manu, de la main de Raphael d’Urbino)

   Notons, cela dit, qu’à ce jour, il n’y a pas d’accord qui fasse l’unanimité sur l’identité des cinquante-huit penseurs mis en scène.  

Deux géants complémentaires :

   Pas d’hésitation, toutefois, pour les ténors. Au centre du tableau (et de l’hexagone) il s’agit bien de Platon (4), le doigt pointé vers le haut, vers ce monde des Idées dont il postule l’existence première, et d’Aristote (5) la main dirigée vers le bas, vers notre monde à nous et qui ne nécessite pas selon lui un second monde pour être appréhendé. 

  Tout ne sépare pas les deux géants, qui apparaissent même d’une certaine manière comme complémentaires. Platon et Aristote marchent en effet ensemble, dans la même direction. Ils ont chacun un livre à la main, et Raphaël n’a rien laissé au hasard car le Timée est le plus aristotélicien des livres de Platon, et l’Éthique à Nicomaque est le plus platonicien des livres d’Aristote. Il est intéressant de remarquer que ce sont les seuls titres du tableau qui apparaissent en italien, et non en latin.

   Autre signe de la complicité entre le maître et son élève, ils se partagent les quatre éléments dont ils acceptent tous deux, certes de manière différente, l’importance fondamentale. Platon est vêtu en pourpre (air) et rouge (feu), Aristote par contre a des habits bleus (eau) et jaune (terre).

   Il y a un peu de Moïse dans ce Platon, ce qui n’était pas pour déplaire au Pape, très attaché à l’idée de réconcilier pensée antique et foi chrétienne. Après l’époque médiévale qui n’avait d’yeux que pour Aristote, le néoplatonisme veut réaffirmer que la Vérité se rapproche du Bien, la plus haute des Idées, et qu’elle a été transmise par une double tradition, philosophique et biblique. Il y a un peu de Moïse dans ce Platon, sans doute, mais peut-être également un peu de Léonard de Vinci dont il aurait pris le visage. Raphaël s’amuse…

  L’accord est là, et c’est le message principal que la fresque veut faire passer : on peut comprendre la Nature grâce à l’incontournable Aristote, condition pour aborder alors les grands mystères de la Vie avec l’aide irremplaçable de Platon.

 

  Dès que le regard quitte le centre du tableau, il glisse aisément vers deux personnages en contrepoint à l’avant de la scène. À gauche, Héraclite le ténébreux (6). Pour les néoplatoniciens, Héraclite ne pouvait pas mieux incarner le versant négatif de la contemplation chère à Platon. Mais pourquoi Héraclite a-t-il donc les traits de Michel-Ange ? Raphaël s’amuse…

   À droite, en pendant négatif d’Aristote, mais que Platon nommait également : « Socrate devenu fou », affalé sur les marches, Diogène le Cynique anarchiste fait un peu tache (7). Un personnage à sa droite gravit les marches et montre d’ailleurs Diogène de la main, un peu comme pour attirer l’attention de son voisin et s’indigner de la présence de ce clochard.

   Viennent ensuite, organisées en différentes saynètes, une cinquantaine de figures dont aucun spécialiste n’a jamais pu établir la liste avec certitude, mais qui autorise d’intéressantes suppositions. Sans doute qu’avec le temps, nous avons un peu perdu la clé de la fresque, mais l’impression de foule est certainement voulue et renforce à la fois l’importance du binôme central et le discours, le dialogue géant, intergénérationnel et, finalement, inactuel (non susceptible de subir le caractère fugitif de l’actualité pour laquelle le passé est toujours dépassé) qui s’y joue sur fond de recherche de la vérité, dans le respect de la feuille de route donnée par Socrate : « Philosopher, c’est rechercher la vérité avec toute son âme ».

Savant désordre :

   À gauche de Platon, il y a certainement là Socrate (8), que l’on voit de profil. Mais à qui parle-t-il ? À Alexandre le Grand déguisé en romain (9) ? Ce n’est pas impossible. Le désordre est savant, la complexité délibérée. Des regards s’échangent, des discussions s’animent.

   Toujours à gauche, mais à l’avant-plan, un attroupement s’est créé autour de Pythagore (10). Ceux qui ont de bons yeux verront dans son livre le triangle tetraktys construit au moyen de dix points. Cette figure ésotérique est supposée être la clé de la science des nombres et de leur lien avec la musique. Est-ce Averroès (11) avec son turban qui regarde Pythagore par-dessus son épaule ?

  Et ce cube sous le pied de Parménide (ou Anaximandre) (12), est-ce un hasard s’il est huit fois plus petit que celui sur lequel est accoudé Héraclite ? Raphaël s’amuse même avec les chiffres…

   Certains observateurs érudits ont encore cru repérer quelque part dans la fresque Alcibiade, Zénon, Xénophon ou même Démosthène. Mais, à part Épicure (13), il est vrai que les avis divergent, quant à ces identités.

   La visite s’achève donc, nécessairement inachevée. Restent alors toutes les questions sans réponse. Et sans doute l’une des plus importantes de toutes : pourquoi n’y a-t-il qu’une seule femme au milieu de cinquante-sept hommes ? Il s’agit probablement de la mathématicienne Hypathie d’Alexandrie (14), même si certains incorrigibles préfèrent évidemment y voir Pic de la Mirandole…



10/11/2023
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